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15 novembre 2012

A PROPOS DU DIAGNOSTIC EN MEDECINE



 "Lorsque le doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt"(Proverbe Chinois)

A propos du diagnostic en médecine.



"Diagnostic: n.m.- faire un diagnostic, c'est dire quel est le nom de la maladie, le Docteur Severac a examiné Julie ; son diagnostic a été immédiat : crise d'appendicite" (Le Petit Robert des enfants).



Le diagnostic médical est souvent considéré comme une réalité en soi: lorsqu'un individu a une maladie il présente des signes qui doivent être analysés, complétés par l'examen clinique qui permettra le diagnostic.

Tous les individus présentant les mêmes symptômes feront poser le même diagnostic; tous les médecins examinant un même malade devront émettre un diagnostic identique.

Dans la réalité de la pratique médicale le diagnostic n'a pas toujours cette "pureté".

Un enfant présente des symptômes et une histoire évoquant un asthme. Le médecin pense que c'est un asthme, il en a la quasi-certitude. Il évoque aussi d'autres diagnostics, une mucoviscidose et un corps étranger des voies respiratoires. Ces diagnostics lui paraissent très peu probables, et même infiniment improbables, mais ils ne sont pas totalement exclus... Supposons que pour cette famille, l'asthme soit considéré comme une maladie rarissime  si le médecin parle d'asthme, deux réactions peuvent être attendues : 
1) Ce  médecin est fou, il nous annonce une maladie très grave et n'a pas l'air vraiment ému 
2) il est nul, notre enfant n'est visiblement pas moribond et il nous parle d'asthme.

Un enfant présente une adénopathie cervicale qui semble être banale et d'origine infectieuse. Le médecin sait que c'est de très loin l'éventualité la plus probable et il n'y a rien qui l'inquiète particulièrement dans ce cas. Mais il sait aussi que des erreurs ont été commises et que des maladies malignes ont pu être initialement prises pour des ganglions banals. Il peut donner un traitement et demander à revoir l'enfant quelques jours plus tard.



Ainsi le diagnostic n'est pas une vérité statique, il est ce que le médecin croit être le plus probable mais aussi le plus utile. Ce que le malade ou la famille attendent et peuvent entendre et comprendre. Il est un moment de la relation entre le malade et le médecin.

Un enfant de trois ou quatre semaines pleure beaucoup; tous les jours il crie, s'agite. Le médecin pense à des "coliques idiopathiques du premier trimestre"... Mais ce même diagnostic peut recouvrir des conceptions très différentes: certains médecins assimilent ce syndrome à une intolérance aux protéines du lait de vache, d'autres imaginent que c'est la rencontre entre un nouveau-né très tonique, très actif et une mère inquiète, d'autres encore, croyant avoir fréquemment relevé des I.V.G. antérieures, parlent de pleurs de deuil, d'autres imaginent que si le biberon était plus plein ou s'il l'était moins, s'il était donné plus vite ou moins vite, si l'enfant rotait un peu plus ou un peu moins, tout serait résolu.

Un même énoncé diagnostic peut donc avoir des significations très différentes selon ceux qui l'émettent mais il peut aussi être reçu de façons très diverses.

L'eczéma atopique peut, chez certains enfants, ne se manifester que par quelques lésions peu étendues et peu durables ne nécessitant pas de soins particuliers, chez d'autres ce peut être une gène prolongée et importante parfois même une véritable infirmité qui peut s'associer à de l'asthme Lorsqu'un enfant a de l'eczéma, ce que les parents veulent savoir, quand ils demandent ce qu'il a, ce n'est pas seulement le nom de la maladie. Ils veulent aussi avoir une idée du pronostic. Est-ce que ça va durer longtemps? Est-ce que ça guérira sans séquelles? D'autres part, ils aimeraient savoir d'où ça vient? Est-ce l'alimentation ou est-ce psychologique? Est-ce que ça s'accentuera avec les poussées dentaires? Est-ce que ça disparaîtra lorsqu'il aura toutes ses dents?

Ainsi le terme d'eczéma n'est ni précis, puisqu'il peut s'appliquer à des situations très dissemblables, ni neutre parce que tous les médecins n'ont pas une appréciation identique de son origine et de sa gravité.

Lorsqu'un médecin voit un malade, il écoute son histoire, l'interroge, l'examine et fait des hypothèses diagnostiques. Il fera pour lui-même un diagnostic provisoire en même temps qu'il aura telle ou telle appréciation pronostique. Il ne le dira pas de la même façon à tous les patients. Il essaiera de tenir compte de la personnalité du malade, de ses appréhensions, de ses connaissances, de sa culture. Puis il donnera un traitement et demandera à le revoir. Lorsqu'il le reverra, l'évolution et l'effet du traitement lui permettront de voir plus clairement le diagnostic et le pronostic. Il pourra alors en dire plus, donner quelques précisions...


Le diagnostic apparaît ainsi comme relatif. Toutes les périodes historiques, toutes les cultures ne nomment pas d'une façon identique les différentes maladies. D'autre part, le diagnostic porté n'est pas la vérité dite sur une maladie, il est ce qu'un individu (le médecin) croit le plus probable. Il est une probabilité plus forte préférée à d'autres hypothèses tenues pour moins probables. Le diagnostic peut être affiné, précisé, modifié.

Le diagnostic véhicule avec lui un certain pronostic, certains présupposés étiologiques. Il est pensé par quelqu'un (le médecin) et émis pour être entendu par quelqu'un d'autre (le malade). Mais cette émission n'est pas neutre. Elle fait intégralement partie de la relation entre le médecin et le malade. Le médecin émet un diagnostic en tenant bien sûr compte du réel et des données objectives, mais il tient compte aussi d'autres éléments (culture, "fragilité", ancienneté et qualité de la relation...) pour que le diagnostic contribue à rassurer le malade mais aussi à le motiver pour suivre son traitement et pour se faire suivre autant que nécessaire.

Lorsque le diagnostic est une énigme ponctuelle que le médecin doit résoudre, la maladie est elle-même considérée comme venant se surimposer à l'état de santé. Elle est alors une anomalie temporaire qu'un traitement adéquat fera disparaître. La guérison sera ainsi obtenue ("restitutio ad integrum").

Quand le diagnostic est ce que le médecin se dit et dit au malade dans le cadre d'une relation pour mieux communiquer avec lui, quand ce diagnostic peut-être révisé, affiné, modifié, enrichi, la plainte du malade n'est plus considérée seulement comme un élément du diagnostic. La maladie n'est pas considérée seulement comme pouvant toujours et devant être réduite à néant.

Il y a du triomphalisme dans la vision du diagnostic, comme un absolu. Et ce triomphalisme est adapté chaque fois que la médecine peut réellement triompher... Dans les cas très fréquents où la guérison immédiate et spectaculaire ne peut pas être obtenue, dans les cas où il faut aider, être avec, accompagner, écouter, le concept du diagnostic comme une énigme essentielle un roc autour duquel tout doit s'articuler, ce concept est trompeur.

Dans la très grande majorité des cas pour aider l'individu qui souffre, il faut mettre au centre de nos préoccupations non pas un diagnostic mais l'individu qui souffre lui-même.

Lorsque le doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. Lorsqu'un individu qui souffre émet des signaux, l'idéologie médicale dominante est hypnotisée par les signaux.


Jean-Pierre LELLOUCHE

2 commentaires:

  1. Cher ami

    J’ ai bien aimé ton texte qui pose une question de fond. Le diagnostic est-il quelque chose de relatif, de flou, de négocié, d’évolutif ou est-il un roc de l’ordre de oui ou non, blanc ou noir, on a ou on n’a pas telle ou telle maladie.

    Je crois qu’il serait bon que des philosophes nous disent ce qu’il faut penser de cela: je crois qu’en philo, on parle de nominalisme et d’essentialisme, mais ce sont des notions qui me dépassent.

    En revanche, encouragé par ton début d’article qui mentionne une définition du Petit Robert des enfants, j’ai cherché à savoir quelles sont les définitions données par le concurrent Larousse. Je les donne suivies de quelques remarques:

    1)Larousse des débutants CP/CE-6/8 ans, edition 2005 :
    « Faire un diagnostic, c’est dire quelle maladie a une personne après l’avoir examinée. Le médecin a fait son diagnostic: Léo a les oreillons.»

    2)Larousse super-major 9/12 ans-CM/6éme, edition 2005:
    « Identification d’une maladie d'après ses symptômes. Quel est le diagnostic du médecin ?»

    3) Larousse super du collège, le dictionnaire des 11-15 ans, edition 2005: «Identification d’une maladie d’après ses symptômes.»

    4) Petit Larousse illustré, édition 2002 :« Identification d’une maladie par ses symptômes »

    Je crois que toutes ces définitions sont plus proches idéologiquement de la version paternaliste et toute puissante du médecin (Le médecin sait, examine et décide) que de la version plus humble que tu proposes (et à laquelle je souscris fortement)

    Amicalement

    Jean Fiorentino

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  2. On trouve ceci dans "le trésor de la langue française"
    http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?31;s=2991397605;r=2;nat=;sol=3;

    DIAGNOSTIC, subst. masc. MÉD., usuel. Art d'identifier une maladie d'après ses signes, ses symptômes. Diagnostic alarmant, précoce, sûr; émettre, rendre, réserver son diagnostic; erreur de diagnostic. Le nouvel examen du mucus nasal avait confirmé le diagnostic (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1467). Je n'ai même pas besoin de l'examiner pour formuler mon diagnostic. Il travaille trop, voilà tout (CAMUS, Cas intéress., 1955, p. 619).

    Cette référence à la pièce de Camus « Un cas intéressant » me semble tout à fait essentielle pour la question que nous pose Jean-Pierre Lellouche. Cette pièce est tirée d’une nouvelle de Dino Buzzatti qui est ainsi résumée dans Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Sept_%C3%A9tages)

    « Dans l'Italie des années 60, Giuseppe Corte, avocat hypocondriaque, arrive par le train à l'hôpital où l'on traite une maladie particulière dont il est atteint dans sa forme bénigne. Le bâtiment à l'architecture sobre est constitué de sept étages. Les cas les moins alarmants se trouvent au septième et dernier étage, et plus on descend, plus le cas du patient est grave. Au premier étage, les cas sont tellement désespérés qu'au cours de la journée, toutes les fenêtres se ferment l'une après l'autre, les malades y mourant l'un après l'autre. Bien qu'atteint d'une forme bénigne, Giuseppe Corte descend, de malentendu en malentendu, dans une chambre du premier étage dont les fenêtres se referment sur lui »

    Je trouve géniale l’intuition de Camus qui à propos d’un homme confronté à l’arbitraire du diagnostic et du pronostic d’un hôpital un peu fou parle de « cas intéressant ». Il y a à ce sujet une excellente réflexion à cette adresse
    http://chroniquesitaliennes.univ-paris3.fr/PDF/Web10/10Amrani.pdf

    Je crois que Lellouche dans son texte ne creuse pas assez du côté de la notion de « cas intéressant « et de la « chosification » du malade dans l’idéologie médicale (autrefois ?) dominante.

    Sébastien ORTOT

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