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10 décembre 2013

POUR UNE DECROISSANCE DES LAITS DE CROISSANCE

Vermeer de Delft "La Laitière" 1658

Depuis quelques années, l'industrie agro-alimentaire a mis sur le marché des laits pour jeunes enfants qui sont dénommés "laits de croissance" ou "laits de suite" ou parfois "laits 3ème âge". Ces aliments sont théoriquement recommandés entre les âges de 1 à 3 ans. Les industriels se sont partagés un créneau spécifique (environ 800.000 naissances annuelles en France) et captif durant au moins deux années. Même les nutritionnistes français de l'enfance, pas toujours neutres, les recommandent aussi vivement. Ces laits sont-ils bien nécessaires ou le fruit d'un marketing bien huilé ? 






Pourquoi ces laits qui assureraient à la fois "la croissance" et "la suite" ?


Lorsqu'un nourrisson n'est pas allaité par sa mère (30% à la maternité, 46% à 1 mois, 68% à 3 mois ) [1], ses parents optent, par choix ou obligation (reprise de travail précoce), pour la solution de l'allaitement au biberon. Ce biberon contient un lait artificiel, très habituellement fabriqué à partir de lait de vache, dont la formule a été modifiée pour satisfaire aux exigences nutritionnelles reconnues à cet âge de la vie, régies par des directives européennes et des décrets nationaux. Chaque spécialiste industriel de l'alimentation infantile a sa panoplie de laits tous plus attractifs les uns que les autres avec des qualificatifs sensés résoudre tous les problèmes nutritionnels de bébé. Les allégations fleurissent avec les "anti-coliques" "bifidus" et "lactofidus" (pour les digestions difficiles), "novaia", "évolia" et "calisma" (les relais obligés en douceur de l'allaitement maternel), les "transit" (pour les constipés), les "satiété", "expert", "digest", "confort", "prémium",  (pour les gourmands et/ou régurgiteurs), les "hypoallergéniques" ou H.A. (pour les enfants à risque d'allergie), en sus des laits de riz et de soja. 

Ce marketing forcené aboutit à l'existence d'une bonne centaine de laits différents sur le marché, grandes surfaces et pharmacies confondues. Même nos Académiciens ne s'y retrouvent plus et déplorent "une prolifération des formules en France, qui n'existe pas dans les pays voisins ou en Amérique du nord.  Cette multiplicité ne se justifie pas scientifiquement. Les laits hypoallergéniques ou formules de soja n’ont pas leur place dans l’alimentation du nourrisson normal... Les parents ne peuvent distinguer ce qui est bénéfique ou non pour leur enfant..." [2]

Pour faire simple, il existe des préparations pour nourrissons vendues sous le vocable de "laits 1er âge" dont la composition est strictement définie et qui conviennent à quasiment tous les nourrissons jusqu'à l'âge de 4 à 6 mois lorsque l'allaitement maternel n'est pas souhaité ou plus possible. Il existe ensuite des laits similaires mais un peu plus caloriques que l'on qualifie de préparations de suite ou "laits 2ème âge" qui sont recommandés jusqu'à l'âge de 12 mois tandis que l'on commence à diversifier parallèlement, pas trop tard, l'alimentation du jeune enfant (farines, fruits, légumes, viande, poisson, œuf et laitages).

Après cette première année de vie, l'allaitement maternel peut être bien évidemment poursuivi en complément de la diversification alimentaire. Si ce n'est pas le cas, les recommandations françaises sont de nourrir tous les enfants jusqu'à l'âge de 3 ans par le dit "lait de croissance". 


C'est ce que martèle la SFP (Société française de pédiatrie) depuis toujours [3]. Il est vrai que la SFP est largement sponsorisée par l'industrie de la nutrition infantile, comme Gallia (surnommée "gold sponsor" à égalité avec Pampers) et Novalac. C'est ce que confirme l'AFPA  (Association française de pédiatrie ambulatoire) qui profite aussi du sponsoring des mêmes industriels que l'on qualifie poliment de "partenaires" [4] 

Les Académiciens l'écrivent aussi: "Après l’âge de un an, l’Académie précise que les laits de croissance préconisés à cet âge ne sont pas régis par une directive européenne. Elle recommande que ces préparations enrichies en fer, en vitamine D et en acides gras essentiels devraient être administrées en priorité chez le nourrisson, la quantité optimale ne devant pas dépasser 500 ml." [2]

Le Ministère de la santé s'est donc senti tenu de répercuter ces recommandations incontestées dans son PNNS (plan national nutrition santé) [5].

Devant ce large consensus, une grande majorité de parents optent pour ce choix, désirant logiquement assurer une croissance optimale à leur enfant grâce à un lait dont le marketing a bien choisi la dénomination explicite. Sans oublier bien sûr les laitages que les parents pensent aussi préférables puisqu'ils seraient fabriqués avec du " lait infantile ", sous prétexte qu'ils contiennent un peu moins de protéines, sont "source de calcium" et "apportent du magnésium et du zinc" (Cf. site Nestlé)

Quels sont les intérêts escomptés et les inconvénients de ces formules destinées aux jeunes enfants de plus d'un an?


Les "laits de croissance" ou de suite sont à mettre en balance avec le lait de vache entier UHT qui représente l'aliment de substitution principal à cette recommandation franço-française. Les besoins en calcium sont largement assurés dans les deux cas. La légère supplémentation en vitamine D des laits de croissance est facilement remplacée par l'apport quotidien que les parents sont censés donner depuis la naissance jusqu'à l'âge de de 2 ans (Adrigyl, Stérogyl, Uvestérol D ou Zyma D).


L'apport calorique est sensiblement le même. L'apport de protéines est plus important pour le lait UHT, 3,80 g / 100 ml au lieu de 2 g /100 ml en moyenne dans les laits de croissance. Il est écrit par les défenseurs de ces derniers que cet excès protéique "surchargerait le travail des reins". Or à cet âge de la vie les fonctions rénales ont acquis leur maturité et cette argumentation est plutôt boiteuse. 


L'apport en lipides est similaire sur le plan quantitatif. Par contre le lait UHT apporte moins d'acides gras essentiels poly-insaturés (acide linoléique et surtout acide alpha-linolénique). Il n'existe cependant pas de preuves qu'une insuffisance d'apport à cet âge de la vie puisse impacter la santé présente et future des jeunes enfants. Une méta-analyse Cochrane [6] a recensé les intérêts hypothétiques d'une supplémentation en acides gras essentiels. Il n'a pas été retrouvé d'amélioration du développement psychomoteur ni d’amélioration significative de l’acuité visuelle.


Par ailleurs, ces acides gras sont aussi disponibles dans l'alimentation si elle est déjà bien diversifiée avec l'ajout d'huiles végétales et les apports de poissons gras et de jaune d’œuf. 

Le vrai problème reste donc celui de l'apport en fer avec son risque de carence martiale et d'anémie. Les recommandations des nutritionnistes nous indiquent que l'alimentation devrait contenir 7 mg de fer par jour, entre les âges de 1 et 3 ans. On estime que la quantité de fer finalement absorbée par l'intestin devrait se situer ensuite entre 0,5 et 1 mg par jour. Si le lait maternel en contient peu (0,05 mg/100 ml), il est absorbé à 50%, et donc au delà de l'âge d'un an une supplémentation est souhaitable par le biais de la diversification alimentaire. Les laitages et le lait de vache UHT ont la même concentration en fer mais le rendement de l'absorption intestinale est médiocre, entre 5 et 10%. Les "laits de croissance" en contiennent en moyenne 1 mg/100 ml (0,4 à 1,3 mg) avec une meilleure absorption, de l'ordre de 20 à 25% de la dose ingérée. Il faudrait donc un apport quotidien de 350 à 400 ml de lait de croissance pour assurer à lui seul les apports recommandés.

Ceci dit, la diversification alimentaire peut compléter ces apports si elle contient suffisamment d'aliments riches en fer. Il ne faut pas trop compter sur les aliments contenant un fer non héminique, très peu absorbé entre 2 et 5% : céréales supplémentées en fer, cacao en poudre, légumes secs, légumes frais, jaune d'œuf. Par contre les abats (foie, rognon), les viandes rouges, les poissons et fruits de mer contiennent un fer héminique bien absorbé, 15 à 35%. Un enfant qui absorbe par exemple 50 g de viande rouge reçoit 2 mg de fer héminique dont l'absorption sera de 25% à 30%, soit donc les 0,5 mg recommandés. A signaler que l'absorption du fer alimentaire est majorée par la présence concomitante de vitamine C (fruits et légumes). On trouvera sur le site de l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) des renseignements détaillés sur le métabolisme du fer et sa teneur dans les principaux aliments. 





L'inconvénient des "laits de croissance" est surtout leur coût. Un litre de lait UHT entier est vendu 0,90 € le litre en grande distribution. Les laits de croissance pour jeunes enfants sont vendus sous deux formes, liquide (bouteilles plastifiées ou briques en carton) ou bien dans des boites métalliques de poudre à reconstituer. Les bouteilles d'un litre sont vendues entre 1,90 € et 2,33 €. Par contre, il est beaucoup plus avantageux de se tourner vers les formules en poudre si l'on veut utiliser ce type d'aliment. Le litre de lait reconstitué revient alors à un coût oscillant entre 1,03 € et 1,36 € selon la marque.



Un autre inconvénient de ces laits est leur arôme volontiers vanillé, destiné à masquer le goût de l'adjonction des sels ferreux. De nombreux parents se plaignent de l'habitude prise par les jeunes enfants de consommer ce lait vanillé et de refuser ensuite de boire un lait UHT classique. L'exposition précoce à la vanille pourrait ensuite induire une tendance à rechercher des produits vanillés et donc sucrés et plus caloriques. Il est en effet reconnu que l'exposition précoce au sucré (eau sucrée) entraîne plus tard une appétence particulière envers sucre et aliments sucrés.

Contrairement aux laits pour nourrissons dont la composition est encadrée par une législation précise, il n'existe pas de cadre législatif réel définissant la composition de ces laits de suite ni de contrôle authentique de leur moyens de promotion publicitaire.  

Que pense-t-on de ces aliments lactés en dehors de notre hexagone ?


Les experts de l'EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) a rendu fin 2013 un avis détaillé qui ne prêche pas vraiment pour l'utilisation systématique de ces laits dits de croissance [7]. Ceci remet les pendules à l'heure et redonne leur valeur toute relative aux allégations des industriels de l’alimentation infantile qui ont trouvé là un créneau porteur fait de parents consommateurs infantilisés traités comme des vaches à lait.

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L’utilisation de préparations à base de lait dites préparations «de croissance» n’apporte pas de valeur supplémentaire à une alimentation équilibrée pour répondre aux besoins nutritionnels des enfants en bas âge dans l’Union européenne, a déclaré l’EFSA. Les experts scientifiques de l’EFSA n’ont pas pu identifier de « rôle unique » pour les préparations destinées aux enfants en bas âge (communément appelées « laits de croissance ») dans l’alimentation des jeunes enfants (âgés de 1 à 3 ans). Ils ont conclu qu’elles ne sont pas plus efficaces, en ce qui concerne l’apport en nutriments, que les autres aliments constituant le régime alimentaire normal des enfants en bas âge. Les résultats sont présentés dans l’avis scientifique rendu par l’EFSA à la demande de la Commission européenne sur les besoins nutritionnels et les apports alimentaires des nourrissons et des enfants en bas âge dans l’Union européenne."

"Il existe cependant des alternatives efficaces, telles que le lait de vache enrichi, les céréales et aliments à base de céréales enrichies, des compléments ou l’introduction précoce de viande et de poisson dans l’alimentation complémentaire ainsi que la poursuite de la consommation régulière de ces aliments."

Les responsables de la société européenne pédiatrique de gastro-entérologie et de nutrition, l'ESPGHAN avaient déjà publié des recommandations similaires [8] en 2008. Le lait de vache ne devrait pas être débuté avant 12 mois. Afin de prévenir une carence en fer, au-delà de cet âge, des quantités modérées de lait devraient être consommées en association avec des aliments riches en fer. 


Principales sources alimentaires du fer
" There are differences between industrialized countries in the recommended age for the introduction of cow’s milk. Most countries recommend waiting until 12 months, but according to recommendations from some countries (eg, Canada, Sweden, Denmark), cow’s milk can be introduced from 9 or 10 months. The main reason for delaying introduction is to prevent iron deficiency because cow’s milk is a poor iron source... The Committee suggests that recommendations on the age for introduction of cow’s milk should take into consideration traditions and feeding patterns in the population, especially the intake of complementary foods rich in iron and the volume of milk consumed. It is acceptable to add small volumes of cow’s milk to complementary foods, but it should not be used as the main drink before 12 months."


Un avis plus récent de 2013 [9] de la même société dite "savante" pédiatrique reste peu loquace sur les laits de suite ou de croissance (follow-on formula, growing-up milks, toddlers milks), hésitant sur leur concentration optimale en fer. Il est surtout mis en avant l'importance de la supplémentation en aliments riches en fer (iron-rich foods): 

"Follow-on formulas should be iron-fortified. However, there is not enough evidence to determine the optimal iron concentration in follow-on formula. From the age of 6 months, all infants and toddlers should receive iron-rich (complementary) foods including meat products and/or iron fortified foods."

A signaler très curieusement que deux des signataires français de ces publications de 2008 et 2013 appartiennent au comité de nutrition de la SFP (Société française de pédiatrie) où ils n'affirmaient pas franchement la même chose en 2003. Il faut dire que les certaines têtes pensantes de la diététique pédiatrique s'arrangent pour récupérer ces avis des instances européennes en les arrangeant à leur sauce et n'hésitant pas à les  présenter comme " des recommandations qui soutiennent donc l’intérêt des laits de croissance " [10]. On comprend mieux cette traduction qui évoque surtout le "traditore", quand on lit à la fin de l'article qu'il a des conflits d'intérêts avec Mead Johnson, Nestlé, Blédina, Novalac. Voilà un Professeur nutritionniste qui mange à tous les râteliers. 


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L'AAP (Académie américaine de pédiatrie) donne des recommandations sur l'utilisation privilégiée d'aliments riches en fer (naturally iron-rich foods) viandes rouges, légumes secs, céréales enrichies... mais ne parle nullement de la possibilité d'utiliser de laits de suite ("follow-on formula") supplémentés en fer entre les âges de 1 et 3 ans ("toddlers") [11].



"The iron requirement for toddlers is 7 mg/day. Ideally, the iron requirements of toddlers would be met and iron deficit or iron-deficit anemia would be prevented with naturally iron-rich foods rather than iron supplementation. These foods include those with heme sources of iron (ie, red meat) and nonheme sources of iron (ie, legumes, iron-fortified cereals). Foods that contain vitamin C (ascorbic acid), such as orange juice, aid in iron absorption..." 


Si cet apport alimentaire parait insuffisant, un complément de fer par voie orale est conseillé: "As an alternative for toddlers who do not eat adequate amounts of iron-containing food, iron supplements are available in the form of iron sulfate drops and chewable iron tablets..." 

En Grande-Bretagne, les recommandations gouvernementales sont d'utiliser le lait de vache entier comme boisson de base après l'âge d'un an [12]. Les recommandations officielles en Australie sont identiques: après l'âge d'un an, les compléments alimentaires ou les laits de suite ne sont pas nécessaires chez l'enfant en bonne santé. "Special complementary foods or milks for toddlers are not required for healthy children" [13].

Une étude canadienne [14] portant sur 2745 enfants (12 à 72 mois), montre que ceux qui absorbent du lait entier ont un taux de vitamine D plus élevé que ceux à qui l'on donne un lait à teneur réduite en graisse. Il ne sont pas plus gros pour cela puisque que leur IMC (indice de masse corporelle) est en moyenne moins élevé.

L'OMS ne mentionne pas non plus ces laits de suite ("Follow-up formula"), soit-disant indispensables, dans son guide des principes directeurs pour l'alimentation des enfants de 6 à 24 mois qui ne sont pas allaités au sein [15]. Ces produits sont par conséquent inutiles ("unnecessary") et ne sauraient remplacer le lait maternel qui est recommandé jusqu'à l'âge de 2 ans: 

" In summary, WHO recommends exclusive breastfeeding for the first six months of an infant's life. Thereafter, local, nutritious foods should be introduced, while breastfeeding continues for up to two years or beyond. Follow-up formula is therefore unnecessary. In addition, follow-up formula is not a suitable substitute for breast milk, due to its content. " 

L'OMS pointe les industriels qui font croire, grâce à un marketing savant, que leurs produits magiques pourraient être donnés à la place du lait maternel : "A number of studies strongly suggest a direct correlation between marketing strategies for follow-up formulae, and perception and subsequent use of these products as breast-milk substitutes."

L'UNICEF ne dit pas mieux [16]: Les laits commercialisés pour les enfants de plus de 12 mois ne sont pas supérieurs au lait de vache: "Toddler milks :These are advertised for babies of one year old or more. There is no evidence to suggest they are superior to cow's milk for babies over one year of age."



Ces "laits de croissance" représentent donc un "French paradox" issu de l'imagination et du savoir-faire de l'industrie agro-alimentaire. Celle-ci a su convaincre, par divers arguments, des leaders d'opinion de la nutrition infantile pédiatrique francophone de les aider à promouvoir cette gamme et élargir ainsi leur parts de marché. "La France est le premier marché de nutrition infantile en Europe (800 000 naissances par an soit 2,4 millions de bébés de moins de 3 ans qui sont au cœur de l'attention des acteurs du secteur). Avec environ 200 kg de lait et d'aliments de diversification par bébé et par an, soit 4 fois plus qu’aux Etats-Unis (premier marché mondial), la marge de manœuvre pour augmenter le taux de pénétration (" part d’estomac") des aliments infantiles apparaît donc limitée" [17] 


Les médecins de terrain généralistes de l'hexagone, pragmatiques, réalistes et indépendants de tout conflits d'intérêts, ne sont par contre pas du tout persuadés de l'utilité réelle de ces produits [18]

On imagine donc que ce type de "lait de croissance" puisse rendre service dans certains cas très particuliers (anciens prématurés, enfants hypotrophiques, difficultés dans la diversification alimentaire, enfants de famille à bas niveau économique et à risque de carences alimentaires...). L'imposer à des enfants bien portants et dont l'alimentation comporte des apports en fer d'autre nature (viande rouge, abats, poissons, jaune d’œuf, légumineuses, céréales enrichies en fer...) relève du consumérisme apportant des bénéfices surtout au producteur plus qu'au jeune consommateur.


Dominique LE HOUEZEC



1. INVS. BEH  N°34/2012
2. Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 2, 431-446, séance du 24 février 2009
3. SFP, 2003. A. Bocquet, J.L. Bresson, A. Briend, J.P. Chouraqui, D. Darmaun, C. Dupont, M.L. Frelut, J. Ghisolfi, O. Goulet, G. Putet, D. Rieu, D.Turck, M. Vidailhet, J.P. Merlin, J.J. Rives. Alimentation du nourrisson et de l’enfant en bas âge. Réalisation pratique.
4. Site Internet de l'AFPA Mentions légales.  "Pour la mise en place initiale du site, un partenariat avec le Syndicat Français des Aliments de l'Enfance (SFAE) a été établi. Un contrat avec le SFAE a été signé et un financement initial attribué par le SFAE à l'AFPA..."
5. INPS. PNNS "Manger, bouger"
6. Simmer K. Patole SK, Rao SC. Longchain polyunsaturated fatty acid supplementation in infants born at term. Cochrane Database Syst Rev. 2008;(1):CD000376.
7. EFSA. Le lait « de croissance »: l’EFSA déclare qu’il n’apporte pas de valeur supplémentaire à une alimentation équilibrée. 25 octobre 2013
8. ESPGHAN Complementary Feeding: A Commentary by the ESPGHAN Committee on Nutrition. Journal of Pediatric Gastroenterology and Nutrition 2008; 46:99–110
9. ESPGHAN Iron requirements of infants and toddlers. A position paper  by the ESPGHAN committee on nutrition. J. Pediatr Gastroenterol Nutr 2013 Oct 16. [Epub ahead of print]
10.Tounian P. Nutrition pédiatrique: quoi de neuf ? Réalités pédiatriques. Nov-Dec 2013. 183 :25-28
11.R.D. Baker, F.R. Greer, The Committee on Nutrition. Diagnosis and Prevention of Iron Deficiency and Iron-Deficiency Anemia in Infants and Young Children (0–3 Years of Age). Pediatrics 2010, 126 No. 5 : 1040 -1050
12.Which? Choosing the right formula milk. Toddler formula milk
13 NHRMC  Eat for health. Infant feeding guidelines
14 VANDERHOUT SM. Relation between milk-fat percentage, vitamin D, and BMI z score in early childhood
15.WHO. Information concerning the use and marketing of follow-up formula. 17 juillet 2013
16.UNICEF. A guide to infant formula for parents who are bottle feeding
17.Rapport Deloitte. La nutrition infantile  Un marché en quête de croissance. Consumer Business. Juin 2013
18.Olivier Saint-Lary, Alain Jami, Albert Ouazana  Existe-t-il aujourd’hui des arguments scientifiques pour conseiller l'usage des laits de croissance ? Exercer 2009;88:121-4



13 commentaires:

  1. Je comprends parfaitement ce que vous dites, mais je ne partage pas votre révolte.

    Vous dites que la SFP (Société française de pédiatrie) et l'AFPA (Association française de pédiatrie ambulatoire) sont sponsorisées par Gallia et quelques autres. Vous pensez, à juste titre selon moi, que cette dépendance financière a une influence sur leurs jugements et leurs revendications.Mais dans la question des laits de croissance, cela les conduit à recommander un lait dont le coût est beaucoup plus élevé sans avantages notables, mais sans inconvénients notables non plus.

    Leur dépendance est détestable dans le principe mais, dans ce cas précis, elle a pour seule conséquence d’augmenter le coût de l’alimentation (et donc les bénéfices des sponsors).

    Ce qui me préoccupe davantage, c’est que, dans d’autres domaines, ces associations sponsorisées et dépendantes peuvent donner leur avis et avoir une influence.Elles peuvent par exemple aider à la promotion de neuroleptiques ou de tranquillisants ou d'hypocholestérolémiants au delà de leurs indications raisonnables.Et, dans ce cas, outre le coût il y a de véritables enjeux sanitaires, des enjeux de vie et de mort.

    Et surtout, l’existence de ces associations sponsorisées et dépendantes témoigne de ce qu’il n’existe pas (ou très peu et pas assez) d’associations indépendantes, très peu d'organisations de la santé publique.

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  2. merci pour cet article très interessant

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  3. Bonjour, je lis toujours avec plaisir vos articles sur ce blog très intéressant.
    Je me permets de vous poser une question sur mon cas particulier si vous voulez bien y répondre: Mon fils âgé de 8 mois "a fait ses nuits" (c'est à dire qu'il ne réclamait plus à manger la nuit pendant près de 10 h) depuis qu'il a 3 mois. Depuis qu'il a 6 mois nous avons commencé la diversification alimentaire et changé son lait 1er âge pour le lait 2ème âge. La diversification n'est pas un succès, mon fils préfère nettement son lait que tout les petits plats que je lui prépare! Depuis que nous lui avons changé son lait, mon fils se remet à réclamer un biberon la nuit! Je voulais avoir votre avis: dois-je repasser au lait 1er âge tant qu'il n'est pas bien diversifié? Au lait de vache plus riche en protéines? Y a-t-il des risques de carences si bébé tarde à manger autre chose que du lait?
    Merci (encore) pour votre précieux éclairage.

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    1. Merci tout d'abord pour vos appréciations positives et encourageantes.
      Je réponds d'autant plus volontiers à vos questions concernant l’alimentation de votre enfant âgé de 8 mois. a cet âge, le lait adapté pour nourrisson reste l'aliment de base, devant être au moins de 500 ml par jour. Les laits 2ème âge sont plus caloriques que les laits 1er âge, vous n'avez donc pas intérêt à revenir en arrière. De même, le passer au lait UHT entier trop tôt serait plus calorique effectivement mais le priverait aussi de la supplémentation en fer encore très utile à cet âge de la vie. Quant à la diversification alimentaire à la cuillère, elle doit se faire en s'adaptant à chaque enfant. Certains tardent un peu et privilégient le plaisir de la succion, l’alimentation à la cuillère leur semblant plus compliquée et peu rapide. Il faut cependant la poursuivre quotidiennement sans aucun forçage pour habituer et entraîner l'enfant à ce mode d’alimentation qu'il va s'approprier d'autant plus facilement que vous lui proposerez des aliments agréables au goût, ce qui est sucré pour une large majorité d'enfants (fruits cuits, laitages nature et sucrés, légumes type carotte, potiron, petits pois...). pour ce qui est du biberon de nuit, ceci traduit un apport diurne un peu juste que votre enfant compense ainsi. Pour y remédier, vous pouvez essayer de lui proposer pour le dernier biberon du soir, un mélange de lait et légumes mixés cuits en petits pots ou purée (1/3 de légumes + 2/3 d'eau + les mesures de lait correspondant au volume total du biberon, soit par exemple 8 mesures pour un biberon de 240 ml de liquide). Mais ne vous inquiétez pas, il n'y aura pas de carence si vous continuez à apporter une quantité suffisante de lait adapté pour nourrissons.

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    2. Merci pour votre réponse, je suis rassurée quant à mes interrogations sur d'éventuelles carences. Mon fils boit 660 ml de lait par jour, quelques cuillères de purée, de compote et laitages, c'est pourquoi je ne comprends pas sa faim nocturne depuis quelques semaines. Et c'est bien la faim qui le réveille, il boit 180 à 210 ml! Il est toujours en haut des courbes de croissance! Je n'ai pas eu ce "soucis" avec mon fils aîné, alors je suis un peu désemparée. Et je dois l'avouer un sentiment de culpabilité qui traîne encore de ne l'avoir allaité qu'un mois, comparé à mon aîné qui a profité de mon lait pendant plus de 4 mois... Cela dit, l'essentiel est qu'il se porte bien, mais c'est dur de se remettre à se lever toutes les nuits! Merci encore pour votre éclairage, je crois qu'il va falloir encore un peu de patience le temps d'instaurer ces nouvelles habitudes alimentaires...
      Etre maman une deuxième fois c'est pas plus facile! À bientôt,

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    3. Si votre enfant est "en haut des courbes de croissance" en poids et taille, c'est pour cette raison qu'il a besoin d'apports caloriques supérieurs à la moyenne.Il suffit donc d'augmenter ses apports quotidiens en augmentant le volume des biberons de lait (entre 210 et 240 ml) et en les épaississants avec céréales instantanées dans le biberon du matin et légumes mixés inclus dans le biberon du soir. Les nuits devraient ainsi être plus longues pour tout le monde.

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  4. Par curiosité, j'ai donné un verre de lait de croissance à mon fils de 2 ans et demi qui est "encore" allaité. Il l'a recraché et a dit "c'est dégueulasse" ! Idem à la crèche lorsqu'il était plus petit, il a toujours refusé les laitages au lait infantile alors qu'il apprécie les yaourts ordinaires et le lait entier... De plus, les laitages spécifiques sont trop sucrés et remplis de cochonneries. En conclusion, il faut favoriser l'allaitement maternel le plus longtemps possible puis acheter du lait entier et des laitages ordinaires.

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    1. Les laits de croissance sont sucrés et parfumés avec de la vanille pour masquer le goût de l'adjonction des sels ferreux. De nombreux parents se plaignent de l'habitude prise par les jeunes enfants de consommer ce lait vanillé et de refuser ensuite de boire un lait UHT classique. Il semble que ce comportement pourrait les inciter ensuite à ne boire que des boissons sucrés.

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  5. Merci pour cet article sur le lait de croissance.J'ai une fille de 7 mois. Je l'ai allaitée pendant 6 mois. J'ai commencé la diversification à partir de 4 mois, c'est un succès! Elle mange très bien et adore tout ce que je lui propose... Seul problème, elle ne veut presque plus boire son lait maintenant. Après avoir bataillé durement pour trouver un lait qu'elle apprécie(ils ont tous un goût fort en huiles), j'ai trouvé le Candia Baby 2 ème âge liquide. Malheureusement c'est le seul qu'elle aime et il contient de l'ethylvaniline. Je suis un peu blasée car je l'ai allaitée 6 mois, je fais très attention de lui donner les meilleurs produits pour ses repas et elle ne veut que ce Candia Baby à la vanille. Et de plus, sur la journée elle boit 150 ml le matin, 100 ml ou 80 ml à 16 h ou parfois refus total du biberon et 120 ou 140 ml le soir. Cela représente environ 350 ml par jour, on est loin des 500 ml recommandés. Je vois que le lait, elle n'en veut plus trop... Je donne un yaourt à midi et un yaourt à 16 h, afin qu'elle ait du calcium. Elle pèse 7 kg, elle est en pleine forme. Le médecin me dit de ne pas la forcer, que ça va l’écœurer et qu'elle n'en voudra plus du tout. Que me conseillez vous, dois-je encore changer de marque de lait ou passer à un lait entier? Merci de votre réponse.

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  6. Bonjour. Lorsque l'on conseille 500 ml de lait par jour à cet âge de la vie, cela inclut non seulement le lait donné au biberon mais aussi les laitages. Donc, avec les deux yaourts quotidiens, vous lui apportez un apport totalement suffisant de produits laitiers. Il est préférable, à cet âge, de continuer sinon le lait Candia qu'elle apprécie car il est supplémenté en fer. Vous pourrez introduite le lait entier après l'âge de 12 mois lorsque la diversification alimentaire avec les protéines animales apportant du fer (viandes, jaune d’œuf...) sera suffisante. Dans tous les cas, ne forcez jamais un nourrisson qui n'a pas faim ni d'appétence pour un aliment. Ce n'est pas l'aider, cela risque de lui faire détester certains aliments ou l'utilisation de la cuillère.

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  7. J'allaite encore ma fille d'un an car cette dernière refuse les laits infantiles que je lui propose. Elle est diversifiée depuis l'age de 5 mois 1/2 et mange bien. J'ai l'impression que le lait de suite la dégoûte. J'ai moi-même goûté et c'est pas bon du tout. Aussi, le pédiatre a remarqué une cassure au niveau de sa courbe de poids car elle stagne à un peu plus de 8 kg depuis un mois. Mon pédiatre pense que l'allaitement n'est plus utile au-delà d'un an et insiste pour que je donne du lait de croissance, qu'en pensez-vous? Le problème est que ma fille ne s'intéresse pas au lait à part le mien, du coup pour qu'elle est des laitages je dois donner des yaourts/fromages pour compléter. Mon pédiatre pense que c'est trop tôt pour donner du lait de vache, êtes-vous d'accord avec lui? Aussi, ma fille se réveille encore une fois la nuit pour une tétée. Est-ce parce qu'elle ne mange pas assez en journée? Peut-on se fier au courbes de croissances des bébés allaités (fille/garçon) de l'OMS? Si oui ma fille suit bien sa courbe. On bien doit-on se fier aux courbes établies dans le carnet de santé français (mixte)? En vous remerciant pour vos réponses et tous les articles utiles que vous publiez.

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  8. L'allaitement maternel peut bien évidemment être poursuivi au delà de l'âge d'un an (les enfants des pays africains et asiatiques sont allaités environ deux années sans que personne n'y trouve à redire). Aucun lait dit "de croissance" ne pourra supplanter votre lait en qualité nutritionnelle, immunitaire et affective. Si votre enfant refuse les biberons de ces laits artificiels, on peut supplémenter ses apports lactés avec des laitages donnés à la cuillère comme vous le faites ou des fromages à pâte molle. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas lui donner non plus du lait UHT entier au biberon si elle le prend bien. Les laits de croissance sont fabriqués à base de lait de vache également et leur seul intérêt est leur supplémentation en fer. Ce fer peut cependant être aussi apporté par d'autres aliments (viande rouge, poissons jaune d’œuf, céréales....
    Les courbes de croissance correspondant à un enfant allaité au sein sont effectivement les courbes de l'OMS et non celles du carnet de santé, trop approximatives.

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  9. On comprend aisément pourquoi l'industrie du lait a ciblé la France. Après tout, notre taux de natalité est le meilleur depuis longtemps... Article très intéressant, merci. Je pense que je vais privilégier l'allaitement maternel et je ne recourrais au lait de croissance entre 1 an et 3 ans que si la diversification est difficile et que je ne peux plus allaiter.

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