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28 mai 2014

MEDICAMENT BLOCKBUSTER

Lisez attentivement ces  quelques lignes: « La diminution relativement importante de la visite médicale est liée à la conjonction d’au moins cinq facteurs, explique Philippe Lamoureux, directeur général du Leem (Les entreprises du médicament). Il s’agit principalement de l’impact des politiques publiques de maîtrise des dépenses de santé, de la fin de brevets de blockbusters, de l’évolution des laboratoires vers des produits de spécialités hospitalières, des conditions d’accueil de la visite médicale par les médecins qui sont en train d’évoluer, et enfin de la poursuite de l’encadrement de la visite."



Ces lignes sont extraites d’ un texte de la revue Egora intitulé " Communication des labos : comment vont-ils vous toucher ? " [1]

Quand on lit ce texte et notamment « l’impact des politiques publiques de maîtrise des dépenses de santé », on a  l’impression de lire un texte sérieux nous  parlant de choses sérieuses.  Quand on lit ensuite « l’évolution des laboratoires vers des produits de spécialités hospitalières », « des conditions d’accueil de la visite médicale par les médecins qui sont en train d’évoluer », « et enfin de la poursuite de l’encadrement de la visite", on a le choix entre être encore plus impressionné devant tant de vocabulaire technique et d’allusions pour initiés ou être sceptique. Et si ce vocabulaire était creux, s’il était imprécis ? Et s’il était volontairement creux et imprécis ?

L’un des cinq facteurs est « la fin de brevets de blockbusters». Je ne connais ce mot de blockbuster que depuis 4 ou 5 ans. J’entendais parler de films qui étaient des blockbusters et j’ai compris que ce mot signifie un film qui fait beaucoup d’entrées.


Depuis j’ai mieux compris [2] que ce terme a une signification imprécise et fluctuante. Découvrant ce mot dans cet article là et dans ce contexte là, je devine que, dans ce cas, un blockbuster est un médicament qui a été une grande réussite commerciale et qui a rapporté beaucoup d’argent au laboratoire qui l’a commercialisé. Seulement voilà, c’est la première fois que j’entends parler de médicament blockbuster et cette assimilation du médicament rapportant beaucoup d’argent à un blockbuster cinématographique me semble intéressante.

Il n’y a en effet à peu près rien de commun entre un film et un médicament, si ce n’est qu’ils peuvent tous deux rapporter beaucoup d’argent: ils peuvent être tous deux des blockbusters. Ou pour le dire autrement, parler de blockbuster à propos d’ un médicament, c’est ne l’envisager que du point de vue de ce qu’il rapporte.

Lorsque le directeur général du Leem (Les entreprises du médicament), Philippe Lamoureux parle de blockbuster, il dit en substance « je  pense que les médicaments doivent rapporter de l’argent, je pense qu’il n’y a rien de malsain ou d’immoral à cela, je pense que plus ça rapporte, mieux c’est… » et il peut continuer à défendre un point de vue libéral ou ultra-libéral sur les nécessités de la compétition internationale et il peut omettre de prendre en considération les avantages et les inconvénients pour la santé du malade et pour la santé publique. Mais l’avantage du mot blockbuster c’est qu’il n’est pas  nécessaire de dire " j’aime l’argent et je me fiche de la santé publique ". Ce mot le dit tout seul de façon autonome. Mieux, il permet au locuteur de le dire sans être pleinement conscient qu’il l’a dit. Et il permet à l’auditeur de recevoir ce message de façon implicite comme atténuée, euphémisée. Personne ne dit clairement " j’aime l’argent et je me fiche de la santé publique" et personne n’entend ce message émis de façon explicite, ce qui l’obligerait à dire ce qu’il en pense.

Blockbuster est un mot joker, le mot du cynisme et de l’irresponsabilité, l’un des mots qui marquent notre démission devant les enjeux de santé  publique. 


Jean-Pierre LELLOUCHE


[1] Véronique Hunsinger. Communication des labos : comment vont-ils vous toucher ? Egora  24-05-2014
[2] Wikipedia. Blockbuster : terme du jargon théâtral américain qui qualifiait une pièce remportant un succès important, littéralement « qui fait exploser le quartier »

4 commentaires:

  1. BLANCHAL Jean-François29 mai 2014 à 00:11

    Blockbuster appartient au vocabulaire de le communication ou de la "com".
    La veille de la réunion qui a abouti à la destitution de Jean-François Copé, les médias ont dit que JF. Copé "risquait sa tête". Tout le monde savait que Copé ne serait ni pendu ni guillotiné. Mais « risquer sa tête » fait partie avec blockbuster et avec des tas de tics de langage, d’approximations, de sigles, d’abréviations du vocabulaire de la "com".
    Il s’agit de jouer, de rigoler, d’être cool, de ne pas se prendre la tête et surtout de ne pas parler sérieusement de façon adulte et responsable de la réalité.
    Un mot inadapté, c'est la garantie que tous les échanges à venir seront approximatifs, superficiels, biaisés. Est-ce cela qui est (plus ou moins consciemment) recherché ?

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    1. jean pierre Lellouche1 juin 2014 à 17:01

      je crois que cet effet n'est pas consciemment recherché.Je crois même que les gens qui utilisent les sigles abréviations anglicismes etc le font de façon innocente et sans arrières pensées par automatisme par suivisme par paresse intellectuelle .Ils ont du bonheur à patauger avec les autres avec tous les autres avec le maximum d' autres ,dans un champ où règne ,grâce à eux, la confusion la superficialité et l'irresponsabilité

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  2. RIGARD Caroline29 mai 2014 à 17:57

    C’est dans « Egora » que le mot blockbuster a été repéré. Egora, comme Sanofi ou Aventis, font partie de ces mots qui viennent s’adjoindre aux mots précédemment existants. Ces mots viennent parfois en remplacer d’autres, sans que l’on sache précisément pourquoi tel laboratoire ou tel groupe qui s’appelait A s’appelle B. D’autant plus que B peut très bientôt se transformer en C puis en D, et on ne sait plus alors quelle est l’histoire et quelle a été l’évolution de D depuis sa création .Il devient très difficile de savoir qui finance D, qui sont les dirigeants, qui a été éliminé, qui a été recruté...
    Il y a dans le milieu des truands une tendance à multiplier les pseudonymes et Jo La Sardine peut devenir Toto le basané ou Dodo la Saumure. Je ne crois pas que les changements de noms et l’opacité qui règnent dans les milieux médico-pharmaceutiques obéissent à la même logique, mais quand même….
    Si l'on veut parler sérieusement de santé publique, il faut que nous disposions de mots ayant un sens précis et qui soit le même pour tous. Il faut aussi que les organes de presse disent clairement qui ils sont, qui les finance et quels sont leurs buts.

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  3. VERSTAND Romain1 juin 2014 à 13:16

    Puisque vous abordez la question du langage médical, je voudrais vous signaler un titre du "Quotidien du Médecin", le PAERPA: la HAS (Haute autorité de santé) donne les outils aux médecins pour établir les plans personnalisés de santé. PAERPA signifie "personnes âgées en risque de perte d’autonomie".
    La HAS propose un modèle de PPS (plan personnalisé de santé).
    Si cette surabondance de sigles vous donne mal à la tête, il existe sûrement parmi les "blockbusters" des médicaments susceptibles de vous soulager...

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