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3 juillet 2016

POURQUOI LES BÉBÉS PLEURENT ? LE POINT DE VUE DU PEDIATRE

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Tous les bébés pleurent. Il y a des bébés qui pleurent beaucoup, d'autres qui pleurent un peu moins. Mais ceci reste un sujet d'inquiétude légitime chez tout parent, surtout lorsqu'il s'agit d'un premier enfant et que l'expérience n'est pas encore vraiment acquise. Que signifient ces pleurs, quand faut-il s'alarmer, comment les apaiser ? Il n'y a pas de recette magique mais des pistes de réflexion qui peuvent aider à devenir parents. 




Les pleurs font partie du langage du bébé, autant que les sourires ou les gazouillis à cet âge de la vie. L'agitation, les pleurs et les cris sont partie intégrante du développement normal des nourrissons lors des premiers mois de vie. Ce sont des signaux et ils expriment donc un besoin ou un malaise, une frustration, voire parfois une douleur. Leur tonalité et leur intensité est souvent d'ailleurs différente selon leur cause et les parents finissent au fil du temps à le repérer. Il existe aussi de grandes différences dans la durée et l'intensité de ces pleurs d'un bébé à l'autre (pouvant aller de 1/2 H à 4-5 H par jour). Le vécu de ces cris et leur tolérance par les parents est aussi variable. Si ces messages de l'enfant sont mal interprétés, l'interaction mère-enfant risque de dysfonctionner, source de malentendus, d'inquiétudes, de traitements multiples qui renforcent ces pleurs et les pérennisent, voire un risque de maltraitance. Nous en reparlerons au chapitre des fameuses "coliques" du nourrisson.

Ces signaux émis par le bébé ne sont en tous cas jamais gratuits ni spontanés. Ils attirent l'attention du parent, déclenchent un soin et créent des liens d'attachement par le biais des réponses qu'il en reçoit. "Un bébé seul, ca n'existe pas" disait R. Winnicot. 

Il faut donc en finir avec les vieux aphorismes hérités du siècle dernier selon lesquels "ils permettent à l'enfant de se faire les poumons" ou témoigneraient de "caprices" chez des "enfants nerveux". Certaines personnes bien intentionnées demandent aussi aux parents si leur bébé n'est pas trop "méchant"Oublions également les donneurs de leçons qui recommandent de ne surtout pas prendre l'enfant dans les bras en cas de pleurs par peur de "donner au bébé de mauvaises habitudes"... Toutes les mères perçoivent d'ailleurs ce signal des pleurs, même durant leur propre sommeil, comme étant une impulsion naturelle à prendre l'enfant contre elles et éventuellement à le nourrir car c'est le besoin primaire essentiel à cet âge. 

La tradition sous-entend encore aussi trop souvent que les pleurs sont nécessaires car étant le symptôme d'une bonne santé chez un bébé vigoureux. On cochait ainsi il y a encore quelques années, dans toutes les maternités, sur le dossier du nourrisson, le critère "premier cri immédiat", sous-entendant que le nouveau-né que l'on avait pas entendu crier n'avait pas respiré comme il aurait dû le faire. Les guides de la puériculture prétendaient d'ailleurs alors que les premiers cris du nourrisson étaient "le seul exercice respiratoire que le petit puisse se permettre". 


LE GRAND CHAMBARDEMENT DE LA NAISSANCE




Les premiers jours et les premiers mois de la vie d'un bébé constituent une période de transition et d’adaptation rapide et brutale si l'on y réfléchit attentivement. Ces modifications multiples expliquent une grande partie des signaux que le bébé envoie à ses parents sous forme de pleurs.

Durant neuf mois, le foetus est baigné dans un milieu liquide, tiède, tranquille et serein où tous ses besoins sont pleinement satisfaits. Il est en boule, ses poings proches de la bouche et dans la pénombre. Il est bercé dans son liquide amniotique par les mouvements corporels maternels. Il entend les bruits réguliers du cœur de sa mère et les voix assourdies, un peu lointaines de ses deux parents. Puis soudain, il va être expulsé plus ou moins rapidement du cocon utérin pour se retrouver assez brutalement dans un milieu aérien, froid, lumineux, bruyant, se retrouvant nu sans enveloppe extra-corporelle. La faim va le réveiller régulièrement et il est obligé de téter fortement pour assouvir ses besoins vitaux.


COMMENT ASSURER UNE SÉCURITÉ AFFECTIVE AU BÉBÉ


Ce changement soudain et plus ou moins stressant se doit d'être accompagné, chez un bébé qui se sentira ainsi plus sécurisé car enveloppé et contenu. Le peau à peau du bébé contre sa mère (et/ou son père) est le premier geste de contention rassurante dont tout nouveau-né devrait pouvoir bénéficier en salle de naissance et les premiers jours de vie. Une première tétée au sein (ou au biberon) vient conclure cette première rencontre extra-utérine qui facilitera la relation précoce mère-enfant et leurs interactions ultérieures.

La transition vers cette vie du dehors doit ensuite être idéalement la plus douce possible. Le sommeil en particulier est parfois difficile à trouver si l'on ne cherche pas à reproduire dans les premières semaines les conditions de la vie foetale antérieure. 

Le contact corporel au sein ou au biberon avec la contention par les deux bras parentaux ou une écharpe de portage favorisent fortement l'endormissement lorsque la sensation de faim est assouvie. L'odeur de la peau maternelle et la voix qui chantonne en berçant bébé (les fameuses "berceuses") ou distille des paroles lénifiantes sont aussi bien sécurisantes. Le bercement vient compléter tout cela que ce soit dans le porte-bébé ou dans le creux des bras d'un père patient qui n'hésite pas à enchaîner calmement les allées et retours. Les parents s’étonnent aussi souvent que leur enfant s'endorme de façon magique dans la coque qui lui est réservée pour le transporter dans l’auto qui roule ou dans la poussette d'une promenade vespérale. Ceci n'est pas étonnant, s’apparentant étroitement aux conditions archaïques de sommeil étroitement entouré, dans une ambiance de mouvement régulier et ronronnant. Ce ne sont pas de "mauvaises habitudes", comme on l'entend dire trop souvent. Ce n'est que la poursuite d'un schéma corporel que le bébé adoptait depuis 9 mois et qui nécessite pour lui quelques semaines d'acclimatation avant d'en changer progressivement et de trouver ses nouveaux repères.


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De même que le portage et le contact corporel favorisent l'endormissement, la proximité immédiate de sa mère est le gardien d'un sommeil calme et apaisé pour l'enfant. C'est pour cela qu'il est fortement conseillé de faire dormir un nourrisson dans la chambre parentale durant ses premiers mois de vie. Le berceau et le matelas, quel que soit leur forme, doivent assurer des conditions de sécurité pour éviter tout accident. Il peut très bien être solidaire du lit parental, tel un "side-car", afin d'éviter à une mère qui allaite de se relever. Ce partage de la chambre est plus efficace et moins stressant que tous les "baby-phones" du monde.



Qu'en est-il du "cosleeping" ou "cododo" qui fait débat ? Cette proximité physique de la mère et de son enfant dans le même lit favorise effectivement un endormissement et un sommeil de qualité chez le nourrisson. Il présente cependant quelques risques d'étouffement accidentel et d'hyperthermie. Certaines conditions de sécurité sont alors à respecter si ce mode de couchage est adopté (position de sommeil sur le dos, pas de couverture, pas de prise médicamenteuse maternelle de somnifères ni bien sûr d'alcool ou de produits illicites...)

D'autres petites astuces sont aussi à connaitre pour apaiser un nourrisson et le rendre plus apaisé. Le bain tiède est souvent un moment magique de détente du bébé qui retrouve là son ancien milieu naturel. Cette tradition du bain n'a pas pour but que des objectifs d'hygiène mais aussi de réassurance et d'échange avec les parents. Bien sur, l'enfant proteste lorsqu'on le sort d'un milieu ambiant agréable. Pour l'apaiser, rien de mieux alors que des massages avec des corps gras qui font prendre conscience à l'enfant qu'il a une enveloppe corporelle agréable à toucher et caresser. Surtout pas "d'huiles essentielles" qui sont absorbées par voie trans-cutanée et exposent à des effets indésirables cutanés et neurologiques graves (convulsions). Leur évaporation produit de plus des COV (composés organiques volatiles) pas très sympathiques.  


La satisfaction orale peut jouer également un rôle important pour qu'un bébé agité se calme et puisse s'endormir plus aisément. Même si la sensation répétée de faim a été satisfaite, la bouche représente à cet âge une zone sensorielle érogène centrale. Le poing était déjà tété régulièrement in utero comme on le constate sur les échographies. Après la naissance, ce poing n'obéit plus aussi bien car il est devenu plus lointain et sujet à des mouvements parasites trop fréquents. On peut aider le bébé bien sûr en rapprochant ce poing de sa zone orale, mais ceci reste à cet âge souvent trop fugace et ne pourra vraiment se concrétiser par la prise du pouce ou de doigts que vers l'âge de 2 à 3 mois. C'est pourquoi , il est peut être parfois utile pour favoriser le sommeil d'un bébé énervé et tendu de lui proposer une tétine ou sucette qui lui permet de se concentrer sur ce plaisir oral. Les États-Uniens ont d'ailleurs donné à ce gadget le nom évocateur de "pacifier" (pacificateur)... Chez les bébés allaités, cette tétine est rarement acceptée et certaines mères préfèrent endormir leur enfant contre elles, le mamelon dans la bouche même si l'apport nutritionnel a été assuré correctement. D'autres parents utilisent leur propre petit doigt mais le principe de réassurance de ce stade oral passif reste le même.


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On peut remarquer que ces pratiques de réassurance et d'interactions mère-enfant ne correspondent pas du tout aux recommandations et aux normes des spécialiste puériculteurs du siècle dernier dans nos sociétés dites modernes, occidentales et judéo-chrétiennes. Si l'on suit les recommandations traditionnelles, le bébé devrait alors apprendre à dormir seul, dans son lit, dans sa chambre, comme si le bébé devait être déjà un être autonome et qu'il était urgent de hâter son individuation. Il doit se consoler seul, il faut le laisser pleurer, voire ignorer ses pleurs sous peine de le voir devenir "capricieux" et ne pas répondre à ses "manipulations", ses tentatives de séduction... Il ne faut jamais non plus le bercer. On ne l'alimente pas le premier jour pour qu'il "dégorge". Il faut ensuite lui donner à boire à heures fixes pour le "régler" et qu'il fasse ses nuits. On diminue ainsi au strict minimum le temps de portage et de proximité entre l'enfant et ses parents car il ne faut surtout pas le prendre dans les bras si c'est juste "pour le plaisir". Même si ces interdits stricts et rigides se sont heureusement amendés, ce maternage distal est encore très ancré dans l'héritage de nos traditions occidentales, contrastant avec les cultures africaines et asiatiques où les bébés ne restent seuls que moins de 10% du temps. De même, les cris ne sont pas considérés dans la tradition africaine comme "gymnasticaux mais identifiés à des besoins psycho-physiologiques auxquels le groupe entier pousse la mère à répondre le plus chaleureusement possible"[1].


QUELS SONT LES PLEURS QUE L'ON PEUT ESTIMER COMME "NORMAUX et PHYSIOLOGIQUES" ?


Le premier d'entre eux et le plus fréquent est bien sûr le pleur de faim qui se reproduit initialement 6 à 10 fois sur une journée, avec un rythme variable selon chaque enfant. Ce type de message est facile à reconnaître au fil des jours, séparé de 2 à 3 heures de l'apport alimentaire précédent et calmé instantanément par la mise au sein ou au biberon du nourrisson qui crie famine. Il est important pour satisfaire ce besoin de respecter le rythme alimentaire de chaque enfant et de lui proposer une alimentation qui réponde vraiment à sa faim et que l'on appelle pour cette raison "à la demande".

Réveiller un bébé qui dort profondément au prétexte qu'il va "sauter" une tétée ou un biberon est une erreur trop souvent commise et qui risque de perturber le rythme de son sommeil si cela devient habituel. 

A l'opposé, multiplier les apports alimentaires en répondant à chaque pleur du bébé par la mise au sein ou au biberon est une maladresse compréhensible, mais qui risque de déclencher une suralimentation et des troubles digestifs. Les biberons qui se prolongent ou les tétées infinies relèvent de la même crainte de sous-alimentation. Il s'agit là d'une confusion entre la nécessité de s'alimenter et le reflexe de succion du nourrisson. En cas de doute, il ne faut pas hésiter à consulter un professionnel de santé (sage-femme, puéricultrice, médecin...) pour demander conseil et vérifier que la prise de poids (environ 25 à 30 g par jour en moyenne les premières semaines) est satisfaisante et rassurante.

Les difficultés d’endormissement se manifestent aussi volontiers par des pleurs. Alors que le bébé semblait repu, quittait la tétine ou le sein après avoir tété un temps suffisant (souvent un peu plus long au sein), il s'assoupit mais se met à grogner puis à pleurer en s'agitant et en remuant la tête de droite à gauche. Là encore, le remède efficace est la réassurance que peuvent lui transmettre ses parents, leur voix, le contact corporel et leur odeur familière, la contention des bras ou de l'écharpe de portage, le bercement, sans oublier le plaisir de la succion sur lequel va se concentrer et pouvoir se détendre le bébé. Il est également important de savoir que l'enfant est sensible au milieu où il dort. S'il a besoin d'un lieu silencieux et sombre en période nocturne, il dormira mieux la journée dans la pièce de vie de ses parents, dans la tranquillité mais aussi au milieu des bruits familiers de la maison, voire avec une musique d'ambiance douce, en particulier les sons auxquels il a été habitué durant sa vie intra-utérine. 




Les pleurs du soir sont aussi fréquents, habituels et sans gravité. A partir de 2 ou 3 semaines, la majorité des nourrissons alors qu'ils ont été calmes et sans difficultés de sommeil la journée, se mettent à pleurer avant la tombée de la nuit. La tétée ou la tétine du biberon calment de façon très brève ces pleurs et les tétées se répètent alors dans l'espoir de calmer ce bébé qui crie de plus en plus fort au fur à mesure que le temps passe et que le sommeil ne peut pas s'installer. Ces pleurs répétés peuvent durer parfois 2 à 3 heures puis l'enfant finit par s'endormir brusquement de fatigue. Mais ce scénario se reproduit le lendemain et les jours suivants. Seuls la prise dans les bras, surtout maternels, la promenade, la voix, la musique et le bercement calment temporairement ces cris en évitant les stimuli sensoriels (lumière, sons) trop intenses. Ces manœuvres de réassurance sont souvent cependant temporaires et le bébé se remet à pleurer dès que l'on essaie de le recoucher dans son lit. La tétine ou la succion du sein semblent aussi apaisantes, mais trop souvent de brève durée. Le bain peut détendre aussi certains enfants ainsi que les massages. De toutes façons, ces pleurs du soir vont finir par s'espacer et s'interrompre vers l'âge de trois mois. Il seront d'autant plus faciles à supporter et à s'estomper que les deux parents savent que leur enfant n'est pas malade, qu'ils essaient de rester calmes et rassurants pour leur bébé, en sachant se relayer, s'épauler et se faire aider par leur entourage. A signaler que les techniques d'emmaillotement, héritées de générations antérieures et qui reviennent à la mode ne sont pas systématiquement recommandables. Si elles contiennent efficacement la totalité de l'enveloppe corporelle de l'enfant, elles doivent être réalisées de façon sécurisée. Elles ne doivent pas être source d'hyperthermie ni surtout s'associer à une position de couchage ventral (facteurs favorisants de  mort subite du nourrisson). Il est également important que l'examen médical, voire une échographie, s'assurent de l'absence totale de signes de luxation de hanches. Passé l'âge de 2 mois, cette technique est à délaisser afin de laisser l'enfant libre de ses mouvements.

Les troubles du transit (constipation ou au contraire selles liquides et fréquentes) sont parfois source d'inconfort chez le nourrisson et de pleurs. Ces dysfonctionnements de la digestion sont cependant souvent surestimés par les parents qui analysent les signes accompagnateurs de certains accès de pleurs comme étant les symptômes manifestes de troubles du transit. En effet, lorsqu'un bébé pleure de façon intense, il se recroqueville, pousse, devient tout rouge et émet volontiers des gaz qui risquent d'être interprétés par les parents comme une difficulté de son transit.

En fait, les douleurs accompagnant une constipation authentique ne peuvent expliquer des pleurs que si le selles sont vraiment dures, compactes, espacées de 2 ou 3 jours au moins. Lorsque l'enfant est nourri au biberon, l'utilisation d'un lait à sucrage exclusif en lactose suffit habituellement à régulariser le transit, avec parfois de petites doses d'eau plus riches en magnésium (Hépar, Contrex). Chez le bébé allaité par sa mère, la constipation n'existe pas, on remarque parfois des selles espacées tous le 3 à 4 jours, voire plus, mais elles restent liquides. Il s'agit de selles rares et d'une pseudo-constipation.

A contrario, le transit parfois très rapide de certains bébés allaités, accompagné de nombreux gaz peut être amélioré par la prise d'une préparation à base de carbonate de chaux si des douleurs semblent s'y associer. D'une manière générale, la composition du lait maternel change au cours d'une même tétée.  Il devient plus gras, plus riche en lipides en fin de tétée, ce qui assure la satiété du bébé au fur et à mesure que le sein se vide. Si la tétée est trop courte, si l’on impose un timing trop strict ou des espacements excessifs, des douleurs peuvent survenir. Les graisses du lait maternel aident à la digestion. Si le bébé ne prend que des tétées courtes et trop rapprochées, il y a fermentation, selles acides et vertes et des pleurs vite qualifiées de "coliques". Il faut donc laisser le bébé régler son rythme en fonction de ses besoins alimentaires, c’est le bébé qui lâche le sein et non la mère qui le retire.

On peut d'ailleurs s'interroger sur cette projection parentale et médicale excessive de la signification souvent purement digestive des pleurs de l'enfant (pleurs = colique donc colon, constipation, rejets, rôts, gaz, couches...) comme si l'enfant était considéré avant tout à cet âge comme un simple "tube digestif" qu'il faut remplir puis évacuer.


QUAND LES PLEURS RÉPÉTITIFS SONT SIGNES DE DOULEURS


Ce type de pleurs du bébé se manifeste en fait par des cris plus que des pleurs. Ceux-ci sont souvent très aigus et rien ne peut les calmer, ni le sein, ni la succion, ni les bras, ni la voix, ni la marche... Ils s'apaisent puis reprennent plus ou moins régulièrement. Ils sont d'autant plus les témoins d'un problème de santé qu'ils s'accompagnent d'autres symptômes (difficultés à s’alimenter, prise de poids médiocre, vomissements, diarrhée, eczéma...).


Il ne s'agit pas de parler ici des problèmes aigus à diagnostiquer rapidement (hernie inguinale étranglée, invagination intestinale, traumatisme...), mais d’accès de pleurs intenses pluriquotidiens et se manifestant quasiment chaque jour.



La cause la plus fréquente des ces douleurs répétitives est l'existence d'un reflux-gastro-œsophagien. Lorsque ce reflux remontant de l'estomac est acide, il est alors très douloureux. Les régurgitations sont parfois présentes mais pas toujours. Les éructations sont fréquentes. Les douleurs surviennent parfois durant la tétée ou le biberon et gênent alors l'alimentation. Une toux rauque est aussi volontiers présente. Ce reflux est amélioré par des mesures diététiques (laits épaissis si l'enfant est au biberon), une position de sommeil surélevée et des pansements gastro-œsophagiens. Un inhibiteur de la sécrétion acide gastrique est parfois aussi nécessaire. 

Certaines formes subaiguës d'intolérance aux protéines de lait de vache sont aussi responsables de symptômes comparables, avec en plus des selles volontiers molles ou liquides et une prise de poids aléatoire. Parfois cette intolérance s'accompagne d'un eczéma précoce et rebelle. L’arrêt total des biberons de lait pour nourrissons, remplacé par un lait à base d'hydrolysats de protéines doit alors amener une sédation en quelques jours de toute douleur. Des laits de riz pour nourrisson peuvent aussi être utilisés.


En fait, les maladies à l'origine des pleurs prolongés du nourrisson représentent un très faible pourcentage de cas, même si le nombre d'enfants traités pour des reflux ou pseudo-reflux est en augmentation constante. L'inefficacité fréquente des traitements anti-reflux prescrits de façon actuellement très excessive par un effet de mode confirme la surenchère de ces diagnostics par excès.


ET LES "COLIQUES" DANS TOUT CELA

Essai de définition des coliques infantiles



Durée moyenne des pleurs quotidiens selon l'âge du bébé
selon HUNZIKER [2]
Le terme de "colique du nourrisson" a été choisi pour désigner la survenue chez certains bébés de pleurs intenses par crises, accompagnés de symptômes (agitation, rougeurs du visage avec poussées abdominales et flexion des cuisses, émissions de gaz) pouvant évoquer de violentes douleurs intestinales (colique vient du grec "kolon"). Les pédiatres américains des années 50 (Illingworth [2], Wessel) ont retenus certains critères particuliers à l'intensité de ces pleurs pour tenter de définir cette entité et la différentier des pleurs "normaux" ou habituels de façon assez arbitraire. Selon "la règle des trois", les pleurs excessifs de ces bébés débutent avant 3 semaines de vie, ils durent au moins 3 H par jour, le plus souvent en fin de journée, ils se répètent au moins 3 jours par semaine sur 3 semaines de suite et finissent par disparaître vers l'âge de 3 mois. La durée quotidienne des pleurs atteint son paroxysme vers l'âge de 6 semaines puis décroit progressivement. Il est intéressant de constater que les bébés dont les pleurs sont considérés comme "normaux" ont une évolution dans le temps similaire [3]. La frontière entre le "normal" et le champ des "coliques du nourrisson" est donc assez élastique. Il est remarquable d'observer que sur une cohorte de prématurés nés 8 semaines avant terme, le maximum d'intensité des pleurs survient à 6 semaines d'âge corrigé, soit avec un décalage qui les fait réagir avec le même timing que les enfants nés à terme.


Le vécu des parents qui considèrent comme excessifs et prolongés des pleurs d'une durée moindre parcequ'ils n'en peuvent plus ou qu'ils sont démunis devant leur enfant qui leur parait inconsolable est bien évidemment à prendre en compte de façon prioritaire dans cette définition. Cette différence entre pleurs dits "normaux" et "coliques' repose donc plus sur la manière dont les personnes qui s'occupent du bébé interprètent ses pleurs et y réagissent.

Ces "coliques" surviennent chez des bébés par ailleurs bien portants, qui grossissent parfaitement et chez lesquels l'examen ne retrouve aucune anomalie. Les garçons présentent autant de "coliques" que les filles. Les bébés nourris au sein ne sont pas épargnés. Le terme de l'accouchement n'a pas d'incidence. L'existence d'un séjour néonatal en unité de soin serait par contre un facteur favorisant de "colique" ultérieure [4]. Selon les définitions, les "coliques du nourrisson" seraient observées chez 10 à 30% des bébés des pays occidentaux. Il semblerait que les nourrissons bénéficiant d'un portage quasi-permanent et d'un allaitement à la demande pleureraient moins que les enfants  élevés selon les traditions occidentales [5]

La ou les causes de ces "coliques du premier trimestre" sont encore imprécises et probablement multiples. La majorité des parents interprètent ces pleurs un peu trop prolongés comme des douleurs abdominales insupportables et s'approprient le terme de "colique" que leur entourage, leur famille ou le web leur ont suggéré. Les médecins consultés, ne trouvant rien chez ce bébé qui pleure tout le temps mais par ailleurs va bien, confortent habituellement ce terme qui pointe du doigt le tube digestif et permet de mettre une étiquette standardisée sur ces pleurs. Aucun examen complémentaire, aucune radio ou échographie ne sont nécessaires lorsque ce tableau clinique est évident.

Les enfants qui crient de façon prolongée durant les 3 premiers mois de vie ont ensuite un développement normal à plus long terme. Cet arret brutal des pleurs coincide avec une transformation de l'éveil psycho-moteur (vision plus précise, poursuite du regard, découverte de la préhension..), à un moment où l'enfant est "capable de regarder ailleurs que dans les yeux de sa mère"[6]. Les enfants qui continuent de pleurer de facon intense après cette période sont peu nombreux et présentent souvent des difficultés et des facteurs psycho-sociaux surajoutés. 


Les explications physio-pathologiques du corps médical sont multiples mais se concentrent principalement autour de la digestion. 


- Les erreurs diététiques sont bien sûr à rechercher et à corriger car ce sont des facteurs aggravants: sur-alimentation par confusion entre faim et réflexe de succion, tétées prolongées par crainte d'une carence alimentaire, réveils à heures fixes pour "régler" le bébé, le privant en fait de sommeil et le forcant à boire alors qu'il n'a pas faim.

- Les troubles du péristaltisme intestinal ont eu leur heure de gloire, faisant de ces "coliques du nourrisson" l'équivalent du "colon irritable" de l'enfant ou de l'adulte. Une immaturité intestinale a aussi été invoquée. Des dosages des hormones agissant sur le fonctionnement du tube digestif ont été réalisés sans résultats probants. Des médicaments dits anti-cholinergiques ont été utilisés surtout dans les pays anglo-saxons de nombreuses années, sans que la prise en charge de ces "coliques" en soit vraiment améliorée. 

- L'intolérance au lactose, le sucre du lait, a également été mise en cause. L'activité de la lactase, enzyme chargée de métaboliser ce sucre serait alors soupçonnée de ne pouvoir se développer qu'un peu trop lentement durant les premiers mois de vie, entraînant fermentation, production de gaz intestinaux et de selles acides. Cette hypothèse n'a cependant pas été vraiment confirmée par les régimes à tenir réduite en lactose [7].

- L'intolérance aux protéines du lait de vache est la seule cause qui pourrait parfois expliquer certains tableaux de "coliques" infantiles rebelles sans qu'il existe d'autres symptômes associés en dehors de ces pleurs. Une tentative d'exclusion totale de ces protéines du lait de vache est donc licite chez les nourrissons présentant des pleurs réfractaires aux moyens habituels.


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L'élément constant et remarquable de ces cris et pleurs reste leur chronologie tout à fait fixe et prévisible chaque jour ou plutôt chaque soirée. La seconde constante de ces coliques infantile est leur guérison brusque aux alentours de l'âge de 3 mois. Il est donc difficile d'imaginer qu'une maladie somatique intestinale puisse se réveiller et se manifester simplement à partir de 18 H. du soir et guérir, quoique l'on ait tenté, à la fin du premier trimestre de vie. L'autre argument remarquable est la disparition du symptôme ou son atténuation très nette en dehors du milieu familial (hospitalisation par exemple).


Il parait donc plus vraisemblable que ce terme générique de "colique du nourrisson", exagération d'un phénomène normal rencontré chez tous les bébés, les pleurs, soit à considérer comme une affection psychosomatique précoce. Ces pleurs excessifs et difficilement consolables seraient le reflet de difficultés multifactorielles de l’adaptation à la vie extra-utérine de l'enfant et d'inter-relations multiples du couple mère-enfant [8]. Les pleurs prolongés d'un bébé souvent très tonique stressent forcément, voire énervent ses parents qui se sentent impuissants et/ou anxieux de ne pas pouvoir faire cesser cet appel strident et stressant, cette sirène peu supportable. Un comportement parental inadapté et/ou angoissé renforce les tensions de l'enfant, son manque de sommeil et pérennise une situation qui s'auto-entretient. 

Le rôle du médecin va donc consister d'abord à expliquer aux parents l'absence de maladie responsable de ces pleurs. Il est assez habituel de repérer des facteurs favorisant qui accompagnent l'apparition du symptôme "colique" : la grossesse a été difficile et stressante, l'enfant est né après des années d'attente interminables, l'accouchement a été très compliqué et traumatique, une séparation mère-enfant a été nécessaire dès la maternité, l'enfant a un petit poids et parait bien fragile, le bébé est différent du bébé imaginé... La personnalité de certaines mères peut aussi aggraver ces pleurs, un "baby-blues", une anxiété excessive, une surprotection. Une dépression post-natale authentique est forcément une facteur d'insécurité pour l'enfant et doit être prise en charge pour elle-même. Les bébés vivants dans un milieu socio-économique carencé, soumis à des stimuli inadaptés (bruits, télévision en fond sonore, agitation, disputes, réveils intempestifs, forcing alimentaire...), voire une carence de soins, sont des enfants à grand risque de développer des cris persistants.


De même que les facteurs déclenchant de ces coliques restent multiples, les solutions proposées pour y remédier n'en sont pas moins nombreuses.


- Il faut bien sur garder en mémoire, au musée de l'histoire de la médecine, les traitements radicaux proposés il y 40/50 ans où l'on faisait dormir l'enfant avec de fortes doses de barbituriques (Gardénal*) et que l'on rajoutait de la soupe de carottes dans les biberons de lait pour les épaissir, en espérant en améliorer la digestion. Des somnifères tel le Nopron* (Niaprazine) ont été largement utilisés au siècle dernier puis interdits chez le jeune enfant du fait des doutes quant à leur rôle favorisant dans la mort subite du nourrrisson.

- Je passe rapidement sur les techniques "paranormales" ancestrales de certains guérisseurs et magnétiseurs, comme celle de "toucher du carreau" (la maladie du carreau étant autrefois le terme générique pour les maladies entraînant un abdomen dur et douloureux). Je classe dans le même chapitre les cierges allumés devant une statue de saint Braillard et auprès duquel les parents venaient, semble-t-il, prier afin que leur progéniture redevienne plus calme. A signaler que le même saint est réputé pour faire aussi disparaitre les énurésies (D'où peut-être l'aphorisme "pleure, tu pisseras moins", comme me le faisait remarquer un ami psychologue...). 
  Des parents m'ont parlé de la bouillotte tiède sur le ventre de bébé ou d'un coussin de chaleur avec des noyaux de cerises. Le risque d'ouverture accidentelle et de brûlure me la font fortement déconseiller.

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 - On peut en rapprocher l'utilisation magique de certaines plantes traditionnelles comme le fenouil et le tilleul (Calmosine*) qui ont l'efficacité d'un mauvais placebo (mais un bon gout sucré). Leur sécurité de dosage est parfois incertaine. Et certains produits vendus sur Internet contiennent de l'alcool comme solvant. Ces produits devraient donc être interdits.



  - L'utilisation de tétines ou de biberons anti-coliques réduisant l'aérophagie relèvent du marketing magique des industriels de la puériculture. La "promenade du rot" qui permettrait l'évacuation de l'air avalé inopinément durant le biberon n'a pas plus d’efficacité préventive démontrée sur ces coliques.

- Je n'ai jamais constaté d’amélioration après un seul traitement homéopathique mais mon incrédulité vis-à-vis de ces petits granules me rend mal placé pour en juger. On trouve également en pharmacie, des préparations dites homéopathiques au nom savamment étudié, mais pour lesquelles au moins on ne connaît pas d’effet secondaire inquiétant.
   Je ne sais pas trop quoi penser de l'ostéopathie mais les discours des parents qui l'ont essayée sont discordants. Une méta-analyse portant sur les thérapies manuelles (ostéopathie, chiropractie) comparée à leur non-utilisation ne donne pas de résultats probants avec des biais notables concernant la perception des parents [9].


Résultat de recherche d'images pour "affiches de lait artificiel pour nourrissons"- L'arrêt de l'allaitement maternel est malheureusement souvent choisi comme la solution finale pour un bébé qui pleurerait sous prétexte que sa mère lui donnerait un lait insuffisamment riche, un lait "trop clair", voire un  "mauvais lait".

  Le changement de lait artificiel fait aussi partie des mesures conseillées par l'entourage bienveillant et les médecins dépassés. Le marketing des industriels de l’alimentation infantile proposent une telle gamme de laits, tous plus performants les uns que les autres, que la "valse des laits" est un recours aussi facile et fréquent qu'illusoire. 


 Les "laits" végétaux (chataignes, amandes, soja) sont fortement déconseillés à cet âge car ils sont sources de carences alimentaires qui peuvent être graves. Le lait de soja contient de plus des phyto-oestrogènes qui sont soupçonnés de pouvoir entrainer des troubles du développement des organes sexuels.

  La seule modification diététique éventuellement efficace qui mérite d'être tentée est l'arrêt des protéines de lait de vache si l'on soupçonne une forme atypique d'intolérance à ces protéines. Le lait artificiel est alors remplacé soit par un lait de riz adapté pour nourrissons, soit par un lait à base d'hydrolysats de protéines de lait (dont l'acceptabilité est parfois compliquée). Chez les mères qui allaitent, un essai d'arrêt total de leur consommation de produits laitiers peut aussi être tentée sur quelques jours car leurs protéines peuvent passer dans le lait maternel et sensibiliser leur bébé [10].

- Des médicaments modifiant le transit sont régulièrement prescrits (Débridat*, Polysilane*, Smecta*) lorsque le médecin ne sait plus quoi faire, "to do something". La trimébutine (Débridat*) peut être dangereuse puisqu'elle est capable de déclencher des réactions allergiques graves ainsi que des troubles neurologiques.  

Les probiotiques sont proposés dans le but d'améliorer un possible déséquilibre de la flore intestinale qui aboutirait à une production excessive de gaz. Une méta-analyse ne montre pas de faits très probants ou des résultats contradictoires, du fait surtout de biais de recrutement. Chez l'enfant nourri au biberon, il n'y a pas de preuves probantes d'efficacité préventive ou curative sur ces coliques. Il a simplement été retrouvé une amélioration avec le Lactobacillus Reuteri uniquement chez les enfants alimentés au sein [11]. Ceci n'a cependant pas été confirmé par une étude ultérieure du même auteur [12]. L'effet des probiotiques sur le système immunitaire du nourrisson est inconnu et doit donc rendre très prudent dans une utilisation d'un produit à l'aveugle pour une affection bénigne qui disparaitra toujours.

 La succion d'une solution très sucrée peut calmer transitoirement ces cris [13]. En plus du caractère agréable de la stimulation orale et de son phénomène de succion, le goût du sucre est un mécanisme induisant une sensation de plaisir à l'enfant (technique qui a été testée lors des prélèvements sanguins en période néo-natale). Ceci ne peut cependant être qu'une aide très ponctuelle. 
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-  Les techniques de portage réduisent environ de moitié la fréquence et la durée des pleurs et de l'agitation des bébés qui ont développé des "coliques" [14].

 Ces techniques comportementales sont surement les moins mauvaises. Les "coliques" font crier bébé, ses pleurs stressent et énervent à la fois les parents qui ne comprennent pas le message de leur bébé et s'en culpabilisent,se pensant de mauvais parents incompétents [15]. Le stress et l’angoisse circulent en boucle entre la mère et son enfant. La spirale infernale des coliques du soir démarre. Or, le nourrisson a besoin de la réassurance de ses parents pour l'apaiser et l'aider à trouver un sommeil qui ne peut pas venir. Privilégiez le peau à peau, portez-le vertical en écharpe ou en position horizontale sur le ventre tout en le berçant, proposez lui une tétine, votre doigt à téter ou votre sein si vous le sentez, baignez-le, massez-lui le ventre, chantez-lui des berceuses, parlez-lui doucement en commentant ce que vous percevez et quelles difficultés vous rencontrez… Et sinon, pourquoi pas une petite promenade en poussette ou un tour de voiture ?

  Écoutons Françoise DOLTO qui donnait, déjà en 1997, les mêmes recommandations essentielles: "Ce qu'il faut, c'est encourager les mères à tenir le plus souvent possible leur enfant contre leur corps. Quand elles ne peuvent pas le faire, qu'elles leur parlent, qu'elles les approchent le plus près de l'endroit où elles travaillent, qu'elles les bercent quand ils pleurent. Il n'y a aucun intérêt à laisser un enfant pleurer, sous prétexte qu'il a des coliques et que ça passera. Il sent le monde et son monde, c'est sa maman. Bien sûr que crier, c'est mieux que de ne pas crier et souffrir. Toutefois, il ne faut pas le laisser crier tout seul. Il faut qu'il entende une voix qui le comprend." [16]

  Bref, il est nécessaire d'instaurer une ambiance apaisante et de garder autant que possible son calme devant un enfant qui demande à être contenu et sécurisé ! Le risque de maltraitance (bébé secoué) existe lorsque ces situations deviennent intenables car le stress psychologique du cri aigu et répétitif d'un bébé est rapidement difficile à supporter. Si cela devient difficile, les deux parents doivent alors se relayer et/ou se faire aider (grands-parents, soeur, amis...).
      
  Le médecin doit aussi recevoir et écouter les parents autant de fois qu'il le faut pour passer ce cap difficile et épuisant. Des interventions dispensées par des intervenants formés (écoute empathique, explications rassurantes, conseils comportementaux...) améliorent ces symptomes dans la moitié des cas [17]Une aide psychologique parentale est bien sûr aussi un recours très utile dans les formes sévères et rebelles de pleurs persistants. Les histoires familiales, les non-dits, les souffrances de l'enfance ressurgissent et se réveillent en effet volontiers lorsque l'enfant parait [18].


Dominique LE HOUEZEC



Bibliographie


[1] DELAISI DE PARSEVAL G. LALLEMAND S. L'Art d'accommoder les bébés. Edition du seuil.1980
[2] ILLINGWORTH R.S. Infantile colic revisited. Archives of Disease in Childhood, 1985, 60, 981-985
[3] HUNZIKER U.A. Increased Carrying Reduces Infant Crying: A Randomized Controlled Trial. Pediatrics 1986, 77 (5) 641-648[3] 
[4] MEIDANLY M.M. Relationship between meconium staining, umbilical cord plasma motilin level and infantile colic.J Reprod Med. 2006 Sep;51(9):704-8.
[5] GREMMO-FEGER G. Un autre regard sur les pleurs du nourrisson. Co-naître. 15ème Congrès de pédiatrie ambulatoire. 24 juin 2007  
[6] RUBIN S. Apprivoiser les maladies des bébés. Editions ERES.1998. Collection "Mille et un bébés" 
[7] BARR R.GEffects of formula change on intestinal hydrogen production and crying and fussing behavior. J Dev Behav Pediatr. 1991 Aug;12(4):248-53.
[8] SPITZ R : Le stade "pré-objectal" du développement psychique du nourrisson décrit par le Dr René SPITZ, est caractérisé par la non-différenciation entre le bébé et sa mère durant les 3 premiers mois de sa vie.
[9] DOBSON DManipulative therapies for infantile colic. Cochrane Database Syst Rev. 2012 Dec 12;12
[10] CRITCH J.N. Infantile colic: is there a role for dietary interventions? Paediatr. Child Health 2001;16(1):47-49
[11] SUNG VProbiotics to Prevent or Treat Excessive Infant Crying
Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Pediatr. 2013;167(12):1150-1157.
[12] SUNG V. Treating infant colic with the probiotic Lactobacillus reuteri: double blind, placebo controlled randomised trial. BMJ. 2014. 1;348:g2107
[13] BARR R.G. Differential calming responses to sucrose taste in crying infants with and without colic. Pediatrics. 1999;103(5):e68.
[14] HUNZIKER U.A. Increased carrying reduces infant crying: a randomized controlled trial. Pediatrics. 1986;77(5):641-8.
[15] LELLOUCHE J.P. Les coliques du nourrisson. Pratiques.2009;45:78-80
[16]  DOLTO F. Lorsque l'enfant parait. tome 1.Le Seuil. 1977
[17] KEEFE F.R. Effectiveness of an intervention for colic. Clin Paediatric 2006;45(2):123-133
[18] RISSE J.C. "Les coliques des trois premiers mois"dans "Le pédiatre et les petits poucets". Stock-Laurence Pernoud. 1988   

2 commentaires:

  1. Encore un grand merci pour ce nouvel article. Je prends toujours du plaisir à vous lire, vous êtes un interlocuteur privilégié dans tous mes questionnements autour de mes deux garçons de 4 ans et 17 mois. Cet article est à la fois très instructif et rempli de bienveillance, merci.
    À quand un dossier sur la marche? Mon fils aîné a marché à 17 mois et mon petit dernier toujours pas! J'aimerais beaucoup avoir vos points de vue sur ce thème moi qui fabrique des bébés "fainiassous"!
    Au plaisir de vous lire,

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    1. Je vous remercie de vos appréciations encourageantes et qui vont donc m'obliger à écrire une reflexion sur le développement de la marche chez le jeune enfant. Je peux déjà vous dire que d'une manière générale, en l'absence de pathogie neurologique sous-jacente, l'âge d'apparition de la marche est très variable d'un bébé à l'autre, dépendant surtout de la vitesse de développement de la gaine de myéline qui entoure les nerfs moteurs. Ensuite, certains enfants adoptent pour commencer à se déplacer d'autres techniques (reptation, quatre pattes, glissement sur le siège...) qui leur convient pour aller chercher ce qu'ils veulent et qui retardde d'autant l'apprentissage de la marche. Ce qui est également important dans cet apprentissage, c'est d'éviter absolument l'usage du trotteur. Cette "prothèse" permet à l'enfant de se déplacer de façon artificielle en brulant les étapes des différents stades qui précédent la station debout. Le trotteur ne développe en particulier pas du tout l'équilibre et l'assistance des deux mains dans l'apprentissage de la marche, ce qui est source de chutes itératives parfois brutales lorsque l'enfant est soustrait de cet artifice. Bien à vous

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