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6 décembre 2017

LES HUILES "ESSENTIELLES" LE SONT-ELLES VRAIMENT ?

Les produits à base d’huiles essentielles sont à la mode et donc largement utilisées dans de multiples indications, reposant plus sur la tradition séculaire que sur des données scientifiques validées. De nombreux parents utilisent facilement ces produits naturels afin d’éviter l’usage de produits issus de l’industrie chimique. Malheureusement ces huiles essentielles ne sont pas toujours inoffensives, en particulier chez l'enfant.

La législation attribue à une quinzaine de plantes concentrées dans des huiles essentielles le classement sur la liste I des substances vénéneuses (1). Leur utilisation nécessite donc une prescription médicale et une délivrance uniquement en pharmacie (absinthe, armoise, cèdre, thuya, chénopode, moutarde junctiforme...)

Les même autorités sanitaires déconseillent par ailleurs fortement (sans les interdire) l'utilisation des autres huiles essentielles qui sont en vente libre, dans trois circonstances :

- chez la femme enceinte, du fait du passage trans-placentaire possible chez le foetus
- la femme qui allaite puisque ces produits peuvent migrer dans le lait maternel,
- chez le jeune enfant de moins de 3 à 4 ans

Le centre antipoison de Lille a pourtant publié en 2016 un bulletin d’information intitulé « Alerte: intoxications aux huiles essentielles ». Les pharmacologues y font le point sur la toxicité potenteille des principales huiles essentielle et ils y présentent quelques exemples préoccupants (2). Les intoxications se produisent en cas d’ingestion, d’inhalation prolongée ou d’application cutanée (surface importante, zone où la peau est très fine, solution concentrée ou quantité importante, nourrissons). Les alertes reçues sont principalement le fait d’intoxications pédiatriques à 73 % concernant des enfants âgés de moins de 15 ans et majoritairement de 1 à 4 ans (60%). L’exposition était accidentelle dans la quasi-totalité des cas (accident domestique, erreur thérapeutique, effets indésirables médicamenteux).  

Les préparations anti-poux dites "naturelles" à base d'huiles essentielles ont ainsi le vent en poupe et utilisées "larga manu", que ce soit en applications curatives ou également pour prévenir l’apparition des petits parasites du cuir chevelu. Deux produits sont utilisés dans ces indications, la lavande et l’arbre à thé (« tea tree » dans la pharmacopée des huiles essentielles).

En ce qui concerne plus spécifiquement ces produits, ils sont fortement soupçonnés de posséder des propriétés hormonales féminines. Le document Lillois décrit en effet trois cas de poussée mammaire anormale chez des jeunes garçons. Selon les auteurs de ce bulletin, ces symptômes pourraient être provoqués par « une éventuelle stimulation œstrogénique des composants de l’huile essentielle de lavande ». 

Parmi les trop rares publications scientifiques qui ont étudié l’hypothèse de perturbations endocriniennes lors d’expositions aux huiles essentielles, l’une d’elles a été publiée dans le New England Journal of Medicine (3). Cette étude décrit des poussées mammaires survenues chez trois garçons âgés de 4, 7 et 10 ans. Ces derniers utilisaient régulièrement des cosmétiques formulés avec des huiles essentielles de lavande et d’arbre à thé. Les symptômes ont régressé après que les enfants aient stoppé ces produits. En complément de leurs observations, les chercheurs américains ont testé les effets des huiles essentielles de lavande et d’arbre à thé sur des lignées de cellules humaines sensibles aux hormones œstrogènes. Selon leurs conclusions, cette expérience met en évidence une activité qui se rapprocherait de celle des œstrogènes naturels.



Ces deux huiles essentielles d’usage courant pourraient donc mimer l’action d’hormones oestrogéniques et agir comme des perturbateurs endocriniens. Et ces trois cas ne sont pas isolés sur le territoire français où d'autres observations similaires ont été signalées à la pharmacovigilance nationale (ANSM). Cet organisme ne donne encore curieusement aucune consigne officielle sur les précautions à prendre lors de l'utilisation de ces produits de l'aromathérapie. ll y a quelques années, la seule interdiction avait concerné l’utilisation du camphre, de l'eucalyptol et du menthol dans la fabrication de produits cosmétiques destinés aux enfants, trois dérivés terpéniques dont les risques toxiques sont importants (risque de convulsions).

De leur côté, les fabricants jouent la discrétion. Ils ont en effet popularisé leurs produits en surfant sur la méfiance envers des ingrédients de synthèse comme les parabènes, soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens. Et aujourd’hui, les mêmes doutes pourraient peser sur leurs propres produits.

Si l'on complète le panorama des effets indésirables des huiles essentielles, il est reconnu que certaines d'entre elles ont un pouvoir allergisant sur la peau et seront localement toxiques en cas de contact prolongé ou suite à l'application de concentrations importantes.



Il faut enfin rappeler que les vaporisations ou diffusions d'huiles essentielles ne sont pas anodines en usage répété même si on les présente comme des produits "assainissants", "purifiants", "rafraîchissants". Si l'odeur agréable de leur émanation évoque la nature et la zen attitude, elle s'accompagne aussi du relargage de composés organiques volatils (COV), végétaux ou de synthèse (formaldéhydes, phénols, limonème...), quelle que soit leur conditionnement: sprays désodorisants, bougies, ou autres bâtons d'encens... La bonne odeur cache une pollution non négligeable (4). Rajouter une bonne odeur à une mauvaise odeur est un cache-misère. La lutte contre la pollution de l'air intérieur est plus efficace en ouvrant les fenêtres tous les jours et en ventilant les espaces intérieurs des habitations de façon permanente grâce à une VMC efficace et entretenue régulièrement. 

Ces produits aromatiques bénéficient d’un espace de liberté rare dans un pays, où l’on a l’habitude de tout réglementer. Peu de produits échappent au monopole pharmaceutique, notamment dans le domaine de la santé. Pour l’aromathérapie, seule une quinzaine d’huiles essentielles sont régies par une réglementation particulière, obligeant la vente en officine. Les autres extraits de plantes sont en vente libre donnant à cette tolérance l’impression que les huiles essentielles ne nécessiteraient aucune précaution particulière. 


Ce principe de précaution doit s'appliquer de façon encore plus stricte chez l'enfant pour lequel aucune indication sérieuse de cette gamme de produits ne devrait être accordée. Ce principe est également de mise chez la femme enceinte ou qui allaite son enfant.


D. Le Houézec

(1) Avis de l'ANSES du 9 juillet 2015 
(2) Centre anti-poison CHRU de Lille – Télétox 2016
(3) HENLEY D.V. Prepubertal Gynecomastia Linked to Lavender and Tea Tree Oils. N Engl J Med 2007; 356:479-485
(4) 60 millions de consommateurs: "Désodorisants, ils sont polluants et allergisants". N° 538 - juin 2018

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