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AHORITA "words fly away, writings remain" |
"Verba volant, scripta manent"
(les paroles s’envolent,
les écrits restent)
Caius TITUS
au Sénat romain
Si dans un livre, on trouve une affirmation fausse ou idiote, cela signifie que quelqu’un l’a écrite, qu’elle a été imprimée et que le livre a été commercialisé. Si l'on trouve ce livre en bibliothèque, cela signifie que les bibliothécaires n’ont pas lu cette affirmation ou que, l’ayant lue, ils ne se sont pas rendu compte de l’énormité de ce qui était écrit ou bien qu’ils ont considéré que ce livre, avec cette affirmation fausse ou idiote, méritait d’être disponible dans la bibliothèque. Cela signifie aussi que les premiers lecteurs n’ont pas arraché les pages ou griffonné des annotations rageuses ou au moins mis de nombreux post-it pour mettre en garde les lecteurs suivants.
Mais je voudrais attirer l’attention sur une autre affirmation. Une affirmation en apparence moins folle mais dont je pense qu’elle est beaucoup plus grave. En 2009, un dictionnaire médical important, le dictionnaire Garnier-Delamare, affirmait alors que le SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) est une "pneumonie atypique extrêmement contagieuse". En 2012, dans sa 31ème édition, le dictionnaire reproposait la même définition et répétait que cette maladie est extrêmement contagieuse. [2]

- Arguments des premiers:
C’est un livre qui s’adresse à tout le monde. Certains de ceux qui le liront n’ont pas les connaissances suffisantes pour se rendre compte qu’il dit n’importe quoi. Si des auteurs disent n’importe quoi sur les vaccinations des femmes enceintes, c’est que eux-mêmes ne se sont pas bien informés et c’est qu’une information claire et précise n’est pas disponible partout.
Jean-Pierre LELLOUCHE
Mise à jour (12.05.2014):
Le livre de René Frydman et Christine Schilte « En attendant bébé »vient de reparaître en 2014 et on y lit toujours cette même phrase: "Parmi les vaccins obligatoires, ceux contre la variole, la rubéole, la coqueluche, la poliomyélite ainsi que le BCG sont totalement contre-indiqués par voie buccale".
Je voudrais réexpliquer les raisons pour lesquelles cette phrase me semble hallucinante. Je voudrais aussi m’interroger sur ce que signifie le fait d’écrire une énormité et de republier cette énormité sans changement 6 ans plus tard.
Dans ce même livre, on lit une autre phrase toute aussi étonnante (page 239) : " Le vaccin contre le tétanos, à condition que ce vaccin soit fait de virus inactivés, est parfaitement autorisé." Le vaccin antitétanique n’est jamais fait de virus inactivés parce que l’agent du tétanos n’est pas un virus et parce que le vaccin est constitué d’une anatoxine.
Mais relisons cette phrase " Parmi les vaccins obligatoires, ceux contre la variole, la rubéole, la coqueluche, la poliomyélite ainsi que le BCG sont totalement contre-indiqués par voie buccale" et essayons de repérer quelques erreurs.
1. Les vaccins cités ne sont pas tous obligatoires. Rubéole et coqueluche ne l’ont jamais été. Quand au vaccin antivariolique, il n’est plus obligatoire depuis 1984, ce qui est logique puisque la variole a été déclarée éradiquée en 1980 (cela fait 34 ans!).
2. Pour que des vaccins soient " totalement contre-indiqués par voie orale", il faut qu’il soit concevable qu’on puisse les administrer par voie orale. Or il n’existe pas de vaccin contre la rubéole ou la coqueluche par voie orale.
Pour écrire de telles énormités, il faut ou bien être très ignorant ou bien n’avoir aucun intérêt particulier pour la question et se fiche allègrement de ce que l’on écrit. L’explication par l’ignorance est très peu satisfaisante. Le fait d’être ignorant n’explique pas que l’on affirme avec aplomb de telles contre-vérités. Il est plus vraisemblable que les auteurs ont considéré que cette question est sans importance et qu’ils étaient autorisés à dire n’importe quoi.
Cette deuxième hypothèse (dire n’importe quoi parce qu’on s’en fiche) est plus intéressante car elle explique à la fois les erreurs initiales et leur republication sans changement.
Quand des auteurs disent ce qu’ils pensent et pensent ce qu’ils disent, ils se demandent ce que vont penser les lecteurs, ils se demandent s’il ne faut pas apporter des précisions, des nuances, ils sont à l’écoute des réactions des lecteurs. Quand un texte est écrit par des gens qui sont présents à ce qu’ils écrivent, qui y croient, les lecteurs ont envie de faire savoir ce qu’ils pensent, ils ont envie de faire des remarques.
Au contraire, quand des auteurs disent n’importe quoi, le lecteur ne peut que hausser les épaules ou sourire désolé, en se disant « jusqu’où ira-t-on dans le n’importe quoi ? » et en se le disant à lui seul. Il ne peut pas y avoir de débats et d’échange à partir de propos inconsistants.
Pour expliquer cette phrase stupide et pleine de contre-vérités, il est bon de prendre en considération le fait qu’elle concerne les vaccins. Dans ce domaine, il est rare que des gens écrivent avec modération en s’appuyant sur des faits précis, publiés et discutés de façon rationnelle. Lorsqu’on parle des vaccins, il y a des militants du tout vaccinal (tous les vaccins, le plus tôt possible, pour tous) qui s’opposent aux militants de l’antivaccination (aucun vaccin). Ces militants occupent tout le terrain et transforment tout début de discussion en affrontements passionnés pour le oui ou le non.
Or la phrase "Parmi les vaccins obligatoires, ceux contre la variole, la rubéole, la coqueluche, la poliomyélite ainsi que le BCG sont totalement contre-indiqués par voie buccale" n’est que stupide. Elle n’est pas provaccinale, auquel cas elle ferait bondir les anti-vaccins. Elle n’est pas non plus antivaccinale, auquel cas, elle susciterait la colère des provaccins. Elle n’est que le signe que des gens qui n’y connaissent rien et qui s’en fichent, s’autorisent à dire n’importe quoi. Et cela –incompétence, désintérêt, n’importe quoi - ne disqualifiait pas les auteurs en 2008 et ne les disqualifie toujours pas en 2014.
Le fait qu’un livre écrive n’importe quoi à propos des vaccins lors de la grossesse signifie deux choses au moins:
RépondreSupprimer1. Le savoir des publications concernant les vaccins n’est pas organisé et diffusé de façon telle à rendre impossible l’expression de telles énormités.Aucun livre ne dit que 2 et 2 font 147, parce que tout le monde sait que 2 et 2 font 4.On doit donc se demander ce que l’on sait sur les vaccins lors de la grossesse et comment ce savoir est organisé, construit et diffusé. Le fait que quelqu’un écrive une énorme contre-vérité signifie que l’espace n’est pas saturé de vérités et d’évidences ou, pour le dire autrement, que le champ est laissé assez libre pour que l’ignorance et l’irresponsabilité s’y déversent
2. Ces lignes écrites en 2008 ont été lues par plusieurs milliers de lecteurs. Elles n’ont pas donné lieu à des réactions ou à la publication d’un rectificatif. Cela illustre le fait que de très nombreux textes sont publiés dans le cadre de ce que l’on appelle une information descendante. Quelqu’un qui sait ou qui croit savoir, dit à des gens supposés ne pas savoir ce qu’il sait et ce qu’il faut penser. Ce mode de diffusion est très répandu. En revanche, les réactions à ce mode descendant d’information sont très peu nombreuses, très peu organisées et très peu opérantes.On a un flot ininterrompu de paroles descendantes comme une pluie permanente et très peu de réactions. L'absence de réaction, l'absence d'interpellation encourageant la superficialité, le n'importe quoi et l'irresponsabilité.
Par ailleurs, les publications sont souvent belles et illustrées, elles sont gaies et joyeuses. Les livres sont beaux. L’édition ressemble à une fête.Réagir, venir poser des questions, c’est gâcher la fête.Merci à JP. Lellouche d’être si souvent un trouble-fête.