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2 décembre 2020

VITAMINE D: PAS TROP NI TROP PEU...

Une alerte vient d'être lancée par deux universitaires spécialistes des pathologies phospho-calciques à propos du risque actuel de surdosage en vitamine D et d'hypercalcémie chez le jeune enfant (1). Comment bien utiliser la vit. D ?


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Tout savoir sur la vitamine D

La vitamine D joue un rôle majeur dans l’absorption intestinale du calcium et sa fixation sur les os et la minéralisation des dents. Elle régule les taux de calcium sanguins et urinaires. La vitamine D est une vitamine liposoluble (soluble dans les graisses), particulière par le fait qu'elle peut s'accumuler dans le foie et les graisses où elle est mise en réserve. Elle est donc essentielle lors des périodes de pics de croissance osseuse, en particulier chez le nourrisson et lors de la puberté. Elle participe à la régulation de la croissance et joue un rôle dans le bon fonctionnement du système neuro-musculaire et des défenses immunitaires. On trouve d'ailleurs des récepteurs de la vitamine D dans la plupart des tissus et des cellules de l’organisme.

Le calcium est présent avant tout dans le lait maternel et les laits pour nourrissons, les laitages, les fromages. Certaines eaux minérales (Hépar, Contrex, Salveta...) contiennent plus de calcium 

La vitamine D existe surtout dans les poissons gras (saumon, sardines, maquereau, thon, hareng, anchois…), le jaune d’œuf, les champignons, le beurre ou encore le lait. Elle est ensuite hydroxylée en calcifédiol au niveau du foie, puis au niveau du rein où elle donne naissance au calcitriol, qui est la forme active de la vitamine D. Elle peut aussi être synthétisée lors d'une exposition aux rayons UV B. Cependant, l’exposition solaire varie considérablement et dépend de facteurs comme la saison, la latitude, la pigmentation de la peau, les habitudes familiales, les vêtements et l’utilisation d’écran solaire… 

C’est pourquoi les suppléments oraux de vitamine D représentent en France la seule méthode fiable pour parvenir à un statut en vitamine D optimal chez le nourrisson. Ces suppléments oraux sont surtout la vitamine D3 (cholécalciférol) et la vitamine D2 (ergocalciférol) qui est moins stable. Les doses actuellement recommandées (Société Française de Pédiatrie) chez l'enfant et l'adolescence sont (en U.I. ou unités internationales) de:

- 600 à 800 U.I. chez le nourrisson nourri avec un lait 1er et 2ème âge, enrichis en vitamine D (310 à 720 U.I. /L.) 

- 1000 à 1200 U.I chez le nourrisson alimenté avec du lait maternel (dont les taux en vitamine D sont insuffisants pour être pris en compte, du fait de carences maternelles en vitamine D fréquentes durant la grossesse et l'allaitement)

- Au-delà de 18 mois et jusqu'à 5 ans, puis au moment de la puberté, on conseille de donner 2 prises de charge d'une ampoule de 80.000 à 100.000 U.I., au début puis à la fin de la période hivernale (Novembre et Février par exemple) lorsque les enfants ne sont quasiment pas ou peu exposés au soleil.

Ce traitement préventif évite une maladie dénommée rachitisme qui occasionnait un ralentissement de la croissance des os, leur déformation dès le début de la marche, une mollesse des os du crane, une hypotonie des muscles, parfois des convulsions en cas d'hypocalcémie importante. Cette maladie a totalement disparu depuis la prescription systématique dès la naissance de vitamine D.


Trop de vitamine, ca ne donne pas bonne mine

Lors d'une exposition solaire, il ne peut pas y avoir de risque de surdosage, l'excès de vitamine D3 (cholécalciférol) étant transformé en métabolites inactifs. On peut par contre observer un surdosage suite à des erreurs de prise ou de dose de vitamine D en supplémentation. On voit apparaître un surdosage lorsque l'on absorbe plus de 1800 U.I. par jour pour un enfant. Quant au calcium, ses apports ne devraient jamais dépasser 2 g par jour


Un excès de vitamine D augmente l'absorption intestinale du calcium. Il en résulte une hypercalcémie (augmentation du calcium dans le sang) puis une hypercalciurie (excès de calcium dans les urines). Les premiers symptômes sont une anorexie, des vomissements, une soif importante avec des urines abondantes, une agitation, une hypertension. Des complications surviennent au niveau rénal avec l'apparition de calculs rénaux (cailloux de calcium), de dépôts de calcium dans les voies urinaires et les reins (néphrolithiase) voire d'une insuffisance rénale. Du fait de la demi-vie prolongée de la vitamine D circulante (3 à 4 semaines), les effets d'une intoxication persistent bien au-delà de l'arrêt de la consommation de vitamine D.


Pourquoi une alerte pour taux excessifs de vitamine D ?

Tout part probablement des échanges multiples sur les réseaux sociaux où tout le monde échange et partage ses connaissances et ses "news" avec tout le monde.

Des informations douteuses ou excessives ont circulé sur la toile entre parents. Croyant bien faire, certains ont pointé du doigt la dangerosité potentielle de certains excipients (colorants, conservateurs…) présents dans les flacons de vitamine D pour nourrissons qui sont prescrits sur ordonnance et délivrés en pharmacie (Stérogyl, Adrigyl, Zyma D) ou en parapharmacie (Ergy D3, Pediakid vitamine D3) 

L'épisode douloureux en 2016, du décès d’un très jeune nourrisson lors de l’ingestion d'une pipette d’Uvestérol D est venue probablement réanimer ces craintes. Alors que l'on sait que cet enfant de 10 jours était malheureusement décédé d'une fausse route avec apnée liée au conditionnement dangereux de la seringue avec laquelle on administrait cette vitamine D sous une forme trop liquide.

Ces rumeurs persistantes encouragent certains parents, voire certains professionnels de santé, à remplacer tous ces produits par des compléments alimentaires aux compositions disparates et incertaines. Ces substituts relevant d'un amateurisme certain sont susceptibles de déclencher un surdosage en vitamine D, voire en calcium. Ces compléments ont déjà occasionné quelques observations d'hypercalcémie sévère pouvant occasionner une néphrocalcinose comme en témoignent les deux spécialistes qui viennent de lancer cette alerte.

Si l'on veut faire le tri sereinement, en se renseignant sans passion ni conflit d'intérêts, quant à la composition de ces produits on peut effectivement mettre de côté deux produits:

- l'Adrigyl contient un conservateur anti-oxydant, le BHT (2, 3)(butylhydroxy-toluène). Cette molécule est assez suspecte d'être cancérigène, mutagène, reprotoxique, allergisante, plus un doute douteux sur ses propriétés de perturbateur endocrinien. Le principe de précaution rend donc logique d'éviction de cette spécialité. 

- le Stérogyl, qui est l'ancêtre des présentations de vitamine D en France a fait son temps. Surtout son solvant est de l'alcool quasiment pur (92,6°) ce qui n'est pas forcément nécessaire chez un nourrisson...

- Le Zyma D est un choix très correct. J'ai lu certaines plaintes envers son huile essentielle d'orange qui entrainerait des troubles digestifs. J'ai un doute que simplement 2 gouttes de ce produit en soient tenues pour responsables. 

- Ergy D3 et Pediakid vitamine D3 sont acceptables en sachant qu'ils ne sont pas pris en  charge par l'assurance maladie.   


Il existe donc des solutions raisonnables à cet apport de vitamine D qui reste indispensable chez tous les nourrissons en utilisant des produits corrects et certifiés. Tout en se méfiant des compléments magiques et parfois dangereux que l'on découvre sur "Docteur Internet".


Dr. Dominique Le Houézec


Références

1. Pr BACHETTA J, Pr LINGLART A. Alerte prescription vitamine D en pédiatrie. Société Française de Pédiatrie. 26/11/2020

2. Additifs alimentaires  - La face cachée de l'alimentation transformée

3. ANSES Avis de l’Anses relatif à l’évaluation de 6 substances dans le cadre de la SNPE - 2016

27 novembre 2020

LE FOETUS A GRAND BESOIN DE L'IODE DE SA MERE

La thyroïde, située à la base du cou, est une glande chargée de secréter des hormones thyroïdiennes. Leur fabrication nécessite entre autres un apport d'iode alimentaire minimum. Une carence sévère en iode au cours de la grossesse a un effet notable sur les fonctions intellectuelles du foetus à naitre, effet reconnu de longue date. Ces enfants étaient atteints de petite taille, d'un déficit intellectuel et d'un goitre. Cette affection était dénommée à l'époque "crétinisme goitreux". La carence iodée est dans ces cas historiques en lien avec un lieu de vie très éloigné de la mer et dont le sol était pauvre en iode. Ce déficit s'est quasiment résolu avec l'utilisation courante de sels de table iodés. 

Si ce ce tableau majeur n'existe quasiment plus (sauf dans certaines régions du Tiers-monde), qu’en est-il cependant des carences modérées en iode durant la grossesse qui ne sont pas si rares que cela ? Et comment peut-on les éviter ?

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Est-ce que le quotient intellectuel (QI) pourrait être altéré chez les enfants nés de mère carencées en iode ?

Une étude (1) réalisée dans ce but a porté sur une cohorte anglaise de 654 couples mère-enfant. Le statut en iode des futures mères a été mesuré par un dosage urinaire initial avec des apports alimentaires restant stables jusqu'à la période ultérieure de conception. L’intellect de ces enfants issus de ces grossesses a été testé 6 à 7 ans après leurs naissances. Deux méthodes ont été utilisées, l'estimation du QI et celle des fonctions exécutives (raisonnement, apprentissages). Les résultats ont été modulés en tenant compte de facteurs confondants possibles (intelligence maternelle, niveau d’éducation et durée de l’allaitement maternel). Le dosage initial de l'iode des urines de 24 H avait été retrouvé inférieur à 50 µg/L. chez 9% des mères (un taux d'iode urinaire est considéré comme optimal entre 100 et 200 µg/L). Ce taux carentiel prénatal a été corrélé avec une baisse de 7,5 points de QI, comparé à celui des enfants dont les taux urinaires maternels étaient > 150 µg/L. En revanche leurs fonctions exécutives n’étaient pas altérées. Ces données, corroborées par d’autres études récentes, (2) suggèrent donc qu’un déficit en iode même modéré durant la grossesse, pourrait altérer le développement neurologique cérébral futur de l'enfant à naitre.


Quel est le parcours de l'iode dans l'organisme humain?


L'eau de mer est le réservoir terrestre de l'iode. L'iode alimentaire est retrouvé dans le sel de table iodé (c'est alors indiqué sur la boîte), les fruits de mer, les poissons de mer, les algues. Le sel de cuisine est iodé en France à raison de 15-20 mg/kg (soit 15-20 µg/g de sel). L'OMS (Organisation mondiale de la santé) recommande de consommer 5 g de sel par jour, soit un équivalent de 45 à 100 µg d'iode. La limite supérieure de sécurité d'apport d'iode est estimée à près de 4 cuillères à café (24 g) de sel iodé par jour. Le sel non iodé, également appelé sel de table contient 98% de chlorure de sodium. C'est un sel traité qui provient directement de la mer ou de gisements de sel souterrains. Les sels naturels (sel de Guérande), ne sont pas supplémentés en iode, ce d'autant que celui-ci s'évapore à l'air libre. Les sels iodés ne représentaient en 2014 que 32 % des ventes totales de sels de table et de cuisine en France.


Les œufs, produits laitiers et céréaliers représentent aussi des aliments vecteurs d'iode. Certains aliments comme les produits de panification (pains, biscottes, viennoiseries) ont une autorisation pour être enrichis en iode, à raison de 20 µg d'iode/100 g.

A contrario, certains aliments absorbés en trop grande quantité peuvent perturber la captation de l'iode par la thyroïde ou la synthèse des hormones (choux, épinards, navets, radis, maïs, manioc, soja, thé vert…). Ces aliments contenant des thyocyanates sont qualifiés de "goitrigènes" car pouvant aboutir à l'apparition d'un goitre, augmentation de volume de la thyroïde, qui reflète l'hyperactivité de la glande essayant ainsi de compenser les difficultés de fabrication de ses hormones. 

L'eau potable peut aussi être source de molécules qui inhibent l'absorption de l'iode par la thyroïde. Ce sont les phtalates (plastifiants) qui peuvent contaminer l'eau d'irrigation des cultures et les nitrates (engrais des cultures intensives) que l'on retrouve dans l'eau du robinet (la législation exige un plafond de nitrates < 50 mg/L pour être considérée comme potable)



L'iode est absorbé surtout par voie digestive (complète et rapide), par voie pulmonaire (30 à 75%), ou rarement par voie transcutanée, en cas de peau lésée ou immature (prématurés). L'iode est absorbé par l'intestin sous forme d'iodure, il circule par voie sanguine pour être capté à 30% dans les cellules de la thyroïde. Une fixation de l'iode s'effectue sur les résidus de tyrosine de la glycoprotéine nommée thyroglobuline. Les iodotyrosines se réunissent pour se transformer en T4 (tétra-iodothyronine ou thyroxine) et T3 (tri-iodothyronine) qui est en fait l'hormone active. Les hormones T3 et T4 une fois libérées dans la circulation, sont liées à des protéines porteuses (TBG ou thyroxine binding protéine). Seule la fraction libre des hormones (<1%) pénètre dans les cellules cibles. Après avoir exercé leurs actions métaboliques, T3 et T4 sont scindées en acides aminés et en iodure qui revient dans le cycle. L'iode résiduel du plasma s'élimine par voie urinaire, rapidement au début, puis avec un plateau de 24/48 H.  C'est l’hypophyse qui régule l’activité de la thyroïde. Celle-ci libère de la TSH (thyréostimuline) qui a pour rôle de stimuler l’activité des cellules thyroïdiennes en cas de baisse du taux hormonal. A contrario, si les taux de T3 et T4 augmentent, la sécrétion de TSH diminue.

Il existe une interaction très étroite entre le métabolisme du sélénium et celui de l'iode (synthèse d'enzymes activant le hormones thyroïdiennes). Le sélénium se trouve en quantité importante dans les produits de la mer, les abats, la viande, les oléagineux, lentilles et asperges. Les besoins sont de 60 à 70 µg/jour. Une alimentation équilibrée doit permettre de couvrir ces besoins, surtout s'il existe une consommation régulière de produits de la mer. Ce sont uniquement les personnes en état de dénutrition ou ceux pratiquant des régimes très restrictifs (végétariens, végans) qui risquent de présenter une carence en sélénium et un dysfonctionnement thyroïdien (3). A signaler de plus que le sélénium est un chélateur du mercure, polluant dont il permet ainsi de favoriser l'élimination. 

La synthèse des hormones thyroïdiennes peut être aussi notablement perturbée par la présence de nombreux perturbateurs thyroïdiens. Les PCB (polychloro-biphényles), pourtant interdits depuis 1979, sont encore présents car ce sont des "POP" (polluants organiques persistants). Ils peuvent occasionner une dégradation des hormones thyroïdienne au niveau du foie. Les dioxines (usines d'incinération, industrie agro-chimique) sont très proches des PCB et peuvent également diminuer le taux  de sécrétion des hormones thyroïdiennes. Les produits perfluorés PFOA et PFOS (revêtements antitaches, imperméabilisants, certains revêtements antiadhésifs à base de téflon) diminuent les taux d'hormones circulantes. Les retardateurs de flamme bromés, PBDE... ou chlorés tel le TDCPP (vêtements, ameublement, poussières des logements, certains plastiques de bureau, voitures...) inhibent l'absorption de l'iode par la thyroïde.


Comment estimer le statut en iode ?

Les besoins en iode sont au moins égaux à la quantité d'iode hormonal dégradé dans les tissus et non récupéré par la thyroïde. A l'équilibre, la perte urinaire est égale à l'ingestion d'iodure. L'excrétion urinaire d'iode est donc un indice de l'apport nutritionnel. Le dosage de l'iodurie permet ainsi d'apprécier la suffisance des apports, de rechercher une surcharge thyroïdienne et surtout sa désaturation. On évalue ce taux sur la première miction matinale pour éviter les difficultés techniques d'un dosage sur 24 H (Le coût de cet examen est autour de 35 € non remboursé). La méthode de dosage est importante et c'est la spectrométrie de masse qui est considérée comme étant la plus fiable.


Pour l'OMS, un dosage ponctuel entre 100 et 200 µg/l correspond à un statut optimal. Un taux  < 20 µg/L indique une carence notable. Entre 20 et 49 µg/L, c'est un déficit modéré et un déficit faible entre 50 et 99 µg/L. Un taux > 200 µg/L. présente un risque d'apparition d'hyperthyroïdie dans les années qui suivent. Si ce dosage est > 300 µg/L. c'est une saturation de la thyroïde et un risque d'hyperthyroïdie induite par l'iode.

Ce dosage de l'iodurie devrait être réalisée avant toute grossesse afin d'estimer au mieux le statut en iode de la femme en projet de grossesse, en l'associant à un contrôle biologique du bon fonctionnement thyroïdien par un dosage des hormones T4 et TSH (thyréostimuline qui module la synthèse de T4 et T3). Ceci faciliterait de mettre en place les mesures préventives permettant des apports alimentaires en iode suffisants.


Quels sont les besoins en iode ?

Ces apports sont assurés la plupart du temps dans les pays industrialisés où l'accès à l'iode alimentaire est simple et non couteux. Il faut cependant savoir que ces besoins sont différents selon l'âge et le statut de la femme. 

L'OMS et l'ANSES 

recommandent un apport de 80 à 90 µg/j chez le jeune enfant, puis 120 µg entre 7 et 10 ans pour arriver à
150 µg/j chez l'adolescent et l'adulte. Chez la femme enceinte ou qui allaite, ces besoins augmentent et sont estimés entre 200 et 250 µg/j selon les organismes de santé. 


Les études effectuées en France depuis 1985 montrent que les besoins en iode des enfants sont couverts, voire dépassés chez les plus jeunes (forts consommateurs de lait). Par contre, selon l’étude INCA 2 de l'ANSES, 43% des femmes en âge de procréer auraient un apport en iode insuffisant (4). Or une carence légère en iode avant la grossesse (iodurie < 100 µg/L) peut induire des effets délétères sur le développement de la thyroïde du fœtus et affecter de façon irréversible son développement neurologique.


Prenant le relai de l'action des hormones maternelles, la thyroïde fœtale ne commence à fonctionner qu'après 10-12 semaines de grossesse. Mais elle a besoin de l'iode maternel qui traverse le placenta pour construire ses propres hormones. On comprend qu'une insuffisance d'apport en iode maternel entraine un déficit de ces hormones thyroïdiennes qui sont absolument essentielles à la formation et la différenciation de toutes les cellules cérébrales du foetus.


La valeur limite supérieure de sécurité de l'apport iodé pour l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) est fixée à 600 µg par jour chez l’adulte. Un apport excessif et régulier en iode peut entraîner en effet des dysfonctionnements de la thyroïde, pouvant se manifester sous la forme de goitre, d’hypothyroïdie ou d’hyperthyroïdie induite par l'iode. Ces apports élevés en iode favoriseraient également la progression des pathologies thyroïdiennes auto-immunes, telle la thyroïdite de Hashimoto qui occasionne à terme une hypothyroïdie. Les populations japonaises et coréennes sont davantage touchées du fait d’un régime alimentaire riche en iode (forte consommation de poissons crus et d’algues).

L'ANSES (5) recommande donc aux consommateurs réguliers de produits alimentaires à base d’algues de privilégier des denrées dont la teneur en iode est faible, ce qui est notamment le cas des produits saumurés ou soumis à un traitement thermique (conserves ou bocaux) et d'éviter les compléments alimentaires à base d'iode. 

Chez les femmes enceintes, la consommation de produits dérivés des algues est fortement déconseillée du fait de leur trop forte concentration en iode, les exposant à un surdosage rapide. Il est également utile de repérer la multiplication de diverses sources d'iode qui risqueraient de s'accumuler et de saturer la thyroïde: compléments alimentaires iodés, certains médicaments (sirop expectorants, amiodarone...), injections pour certaines radios de produits de contraste iodés, applications cutanées d'antiseptiques iodés (Bétadine)

Si les apports alimentaires durant la grossesse ne semblent pas suffisants, il est possible de vérifier leur teneur en iode sur le site de l'ANSES et par un dosage de l'iodurie. En cas de besoin, on peut prescrire un complément à base d'algues bien dosé (type Unibiane Iode,  boite de 120 cp.) à raison de 1 cp/j. à 125 µg, ce qui permet d'atteindre les 250 µg/j recommandés. Il est par contre préférable d'éviter les préparations "spécial-grossesse" (Gestarelle, Gynefam) issus de foies de poissons possiblement pollués et qui associent de multiples composants pas forcément utiles ou qui risquent d'aboutir à un surdosage (vitamine D). 

La mère qui allaite a besoin également de doses similaires d'iode (200 à 250 µg/j) car la teneur en iode du lait maternel varie selon les régions et la consommation maternelle (50 µg/L en moyenne dans la zone européenne contre 150 µg/L aux USA et en Europe du nord)


Le foetus a besoin d'iode mais pas trop !

Il est certain qu'une carence modérée des apports iodés chez la femme enceinte est dangereuse pour le développement cérébral fœtal qui a besoin pour progresser rapidement de l'impact des hormones thyroïdiennes. 

Ce déficit en iode modéré n'a pas de lien direct avec l'hypothyroïdie congénitale sporadique qui est due à un développement incomplet ou une absence de thyroïde, ou sinon à un dysfonctionnement de la glande. 

Il peut par contre exister une hypothyroïdie transitoire, plus rarement un goitre, qui sont en rapport, soit à une carence iodée notable, soit à un excès d'apport iodé. Le cas le plus fréquent est l'application d'un antiseptique iodé appliqué sur la peau de femmes enceintes ou qui allaitent ou bien encore directement sur la peau du nouveau-né, surtout en cas de prématurité. Un traitement par amiodarone maternel peut également être à l'origine d'une hypothyroïdie transitoire chez le nouveau-né.

Si l'apport d'iode a été suffisant durant la grossesse, la cause la plus habituelle de la diminution de la synthèse des hormones thyroïdiennes peut être occasionné  par un traitement maternel à base de médicaments antithyroïdiens. Ce déficit s'estompe en quelques jours.

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La surveillance de la fonction thyroïdienne maternelle et le statut en iode sont des éléments primordiaux autant que d'autres paramètres, avant et durant toute grossesse. En cas de doute, en accord avec le médecin traitant, il peut être nécessaire de savoir prendre un avis spécialisé (gynécologue, endocrinologue...)



Références 

1. Robinson S.M. : " Preconception Maternal Iodine Status Is Positively Associated with IQ but Not with Measures of Executive Function in Childhood" . J Nutr., 2018; 148: 959-96

2. Toloza J.K : "Consequences of Severe Iodine Deficiency in Pregnancy: Evidence in Humans".Front. Endocrinol. 2020

3. Fallon N, Dillon A. : Low Intakes of Iodine and Selenium Amongst Vegan and Vegetarian Women Highlight a Potential Nutritional Vulnerability. Front. Nutr., May 2020

4.INCA 2 : Etude individuelle Nationale sur les Consommations Alimentaires 2006-2007

5. ANSES 2018 : Risque d’excès d’apport en iode lié à la consommation d’algues dans les denrées alimentaires