Quatre contre-vérités et une évidence. Ne sachant comment classer ces quatre contre-vérités concernant la contagiosité du virus Ebola, de celui de l’hépatite B, du SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) et de la variole, je les présente par ordre alphabétique.
1. La maladie à virus Ebola est "extrêmement contagieuse" d'après le dictionnaire Garnier-Delamare des termes de médecine (30ème édition 2009, page 909)
2. L’hépatite B est "extrêmement contagieuse" d'après le livre « Votre Ado » de Marcel Rufo avec la collaboration de Philippe Meirieu et Christine Schilte (Hachette Pratique 2010, page 116).
3. Le SRAS ou Syndrome Respiratoire aigu Sévère donne une pneumonie "extrêmement contagieuse" de ce même dictionnaire Garnier-Delamare (page 820).
4. "La variole est la plus contagieuse des maladies infectieuses" affirme Robert Fasquelle, professeur de microbiologie aux facultés de médecine de Paris, membre de l'Académie nationale de médecine dans l'Encyclopedia Universalis. Et il poursuit sur ce même ton très excessif : "Que la variole soit la plus contagieuse de toutes les maladies infectieuses, qu'elle soit la plus grave, notamment chez les jeunes enfants et les vieillards (mortalité 33 %, avant que n'existe la vaccination), que ceux qui en réchappaient soient restés aveugles, sourds, à tout le moins grêlés, que surtout la variole, depuis que les hommes vivent en collectivités importantes, ait été le premier facteur responsable de la limitation des populations, nul n'en doute."
J’aurais pu choisir un autre ordre et dénoncer avec plus de vigueur une contre-vérité émanant d’un virologue éminent et qui ne peut pas être le fruit de la seule ignorance et une contre-vérité émanant d’un psychiatre et d’un pédagogue et qui elle, n’est peut-être que bêtise, inculture, paresse et répétition de ce qui se dit.
Mais contre ces quatre contre-vérités, je voudrais rappeler ce qui devrait être une évidence. La contagiosité d’une maladie n’est pas synonyme de gravité: une maladie bénigne ou habituellement peu grave peut être très contagieuse, une maladie très grave peut être peu contagieuse.
Avant de tenter d’expliquer d’où vient cette confusion telle qu’elle apparaît dans les quatre contre-vérités citées ci-dessus, je voudrais préciser en quoi ce sont des contre-vérités.
En ce qui concerne le SRAS, je renvoie à un article que l’on peut retrouver sur ce même site Pediablog. J’écrivais à propos du SRAS en m’appuyant notamment sur un article de la revue Science [1]: « Et on peut dire qu’à partir de ces articles et donc de juin 2003, il n’est plus possible d’affirmer que la maladie est extrêmement contagieuse sans être un ignorant ou un fou ».
Pour la variole, dans un autre article de ce même blog, j’ai montré en citant notamment deux des acteurs les plus importants de l’éradication de la variole Henderson [2] et Foege [3] que l’idée d’extrême contagiosité de la variole était une erreur.
A propos de l’hépatite B et sa non transmission par la salive, j’ai écrit un article dans lequel je cite notamment une mise au point excellente de Paul Benkimoun qui dans la revue Hérodote [4], écrit : " Le risque de transmission par la salive, facteur d'inquiétude certain, a très largement été exagéré, notamment lors de la tournée effectuée par le "Camion forum" sur l'hépatite B."
Quand à l’extrême contagiosité du virus Ebola je n’ai pas (encore !) écrit sur cette contre-vérité, mais le sujet est assez largement traité dans les médias [5] pour que tout le monde comprenne que cette maladie très redoutable par sa gravité est beaucoup moins contagieuse que la varicelle.
Pourquoi alors cette confusion ?
Dire que Ebola, Hépatite B, SRAS et variole sont extrêmement contagieuses, c’est dire d'énormes contre-vérités, ce sont des stupidités mais ce ne sont des contre- vérités et des stupidités que sur le plan rationnel.
Sur un plan rationnel, il est facile de constater que la rougeole ou la varicelle se répandent plus facilement que le SRAS et l’Ebola. Mais sur un plan émotionnel, on a infiniment plus peur d’attraper l’Ebola que la varicelle. On confond alors deux notions qui sont pourtant très différentes. Si j’attrape l’Ebola, j’ai une chance (?) sur deux d’en mourir, si j’attrape la varicelle le risque de mourir est infiniment plus faible. Mais la probabilité d’attraper la varicelle est infiniment plus grande dans l’entourage d’un varicelleux que la probabilité d’attraper l’Ebola dans le voisinage d’un malade (probabilité qui diminue encore si on adopte un minimum de mesures de prudence).
Mais puisque cette évidence n’est pas comprise de tous, je voudrais expliquer cette erreur fréquente par une analogie. Si l'on me dit que j’ai 3 chances sur 4 de gagner 3 Euros au Loto, je m’en ficherai, je n’y penserai pas davantage, je ne m’informerai peut-être pas du résultat. Si l'on me dit que j’ai une chance sur 100.000 de gagner 3 millions d’Euros, il y a de fortes chances que je m’y intéresse davantage. L'événement ayant une probabilité de 1 pour 100 000 me motivera plus que celui qui a une probabilité de 3 sur 4. Le fait que 3.000.000 Euros soient une somme très supérieure à Euros m’aura fait oublier que 3 sur 4 est très supérieur à 1 sur 100.000.
Et pourtant il est essentiel de comprendre qu’une maladie peut être bénigne et très contagieuse et qu’une maladie peut être grave sans être nécessairement "extrêmement contagieuse".
Jean-Pierre LELLOUCHE
[1] Chris DYE, Nigel GAY. Modeling the SARS Epidemic. Science 20 June 2003, Vol. 300, N°5627 : 1884-1885
[2] HENDERSON Y. Smallpox transmission in Southern Dahomey. A study of a village outbreak. Amer. Jour. of Epidemiology 1969 ;90 :423-28
[3] FOEGE WH. MILLAR JD. HENDERSON DA. Smallpox eradication in west and central Africa. Bulletin WHO/OMS 1975; N°2, vol. 52 : 209-222
[4] BENKIMOUN P. "Vaccination contre l'hépatite B, succè pour la santé publique dans le monde controverse en France. Hérodote 2011/4 (n° 143)
[5] Le Monde.fr - Everything you need to know about the Ebola virus.
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