Dans l’Encyclopedia Universalis 2009, le professeur Jacques
Maurin écrit à propos de la varicelle : «Maladie infectieuse très contagieuse, la varicelle procède par
épidémies atteignant surtout les jeunes enfants, plus rarement les adolescents,
parfois les adultes».
On lit pourtant dans le Dictionnaire Garnier-Delamare (1) : « Varicelle
(bas latin varicella, diminutif irrégulier de variole) Synonyme : Petite
vérole volante. Maladie infectieuse, contagieuse, ordinairement très bénigne, caractérisée
par une éruption se faisant en plusieurs poussées, de vésicules qui se
flétrissent et se dessèchent au bout de quelques jours. Les complications pulmonaires et nerveuses sont
rares. La maladie est due à un virus de la famille des Herpesviridae qui est aussi
celle du virus du Zona ».
Le mot épidémique n’est pas mentionné. Pourtant, dans ce même dictionnaire, la variole, la
grippe, la rougeole, la rubéole, les
oreillons sont qualifiés de "maladie infectieuse épidémique et
contagieuse" mais pas la varicelle. On retrouve d’ailleurs cette
bizarrerie dans le Dictionnaire culturel Robert et dans plusieurs autres dictionnaires (dont on peut
se demander s’ils n’ont pas reproduit
(s’ils n’ont pas "pompé" diraient les collégiens,
"copié-collé" les Internautes) le dictionnaire Garnier-Delamare.
Pourquoi refuse-t-on à la varicelle ce que l’on accorde à de
nombreuses autres maladies, la reconnaissance qu’elle peut entraîner des
épidémies ? Le virus de la varicelle n’a été isolé qu’en 1952 et si l’on
remonte un peu plus loin, on pensait que
la varicelle ou "petite vérole volante" était une forme atténuée de variole observée chez les
vaccinés. Le dictionnaire Littré (2) écrit ainsi: « Varicelle, terme de
médecine. Petite vérole volante, fausse variole, variole bâtarde, c'est-à-dire
petite vérole survenant la plupart du temps sur un sujet qui a été vacciné ou
qui a déjà eu la petite vérole. La varicelle est parmi les petites véroles
volantes celle qui s'éloigne le plus de la vraie variole et qui est la plus
bénigne ».
Je pense que si le dictionnaire Garnier-Delamare et, à sa
suite, de nombreux autres dictionnaires n’ont pas compris que la varicelle est
épidémique, c’est qu’il existe beaucoup de confusions dans le domaine des
maladies infectieuses.
Supposons qu’une maladie infectieuse contagieuse soit
totalement bénigne et qu’elle n’entraîne
que des troubles mineurs et peu prolongés (le nez qui coule pendant deux heures
ou avec trois accès de toux par exemple). On n’y accorderait pas une grande
attention, on en parlerait peu. Supposons que cette maladie atteigne un très
grand nombre de personnes, voire même la totalité de la population, entraînant
une épidémie, on ne parlerait pas beaucoup de cette épidémie, en tous cas, pas
longuement et sans émotion excessive.
Supposons par ailleurs une autre maladie moins fréquente
mais beaucoup plus grave. Supposons qu’elle entraîne une épidémie beaucoup moins étendue mais qu’il y ait 50%
de morts parmi les personnes atteintes. Dans
ce cas, on parlerait et de la maladie et
du fait qu’elle a entraîné une
épidémie. La varicelle sans être aussi bénigne que l’exemple type évoqué ci-dessus est néanmoins comme le dit
justement le Garnier-Delamare «ordinairement
très bénigne».
La variole est, quant
à elle, perçue à tort et de façon très
excessive comme très contagieuse alors qu’elle n’est pas la plus contagieuse de
toutes les maladies infectieuses. Henderson a décrit de façon détaillée une épidémie dans le
sud Dahomey (3). Une femme et ses deux enfants, ayant tous trois la variole, sont arrivés dans
un village de 300 personnes. La maladie toucha huit maisons en 2 mois et demi. Six maisons étaient immédiatement
voisines de la maison des visiteurs infectés. Johan Giesecke, citant cette étude, (4) écrit: « Ceci montre qu’un contact étroit et prolongé est nécessaire pour
la diffusion de la maladie ».
Par ailleurs
Henderson et Moss, dans le livre Vaccines (5), après avoir rappelé la nécessité
pour la transmission du virus, d’un contact étroit, rappellent que la variole n’est contagieuse qu’à partir
de l’éruption, c’est à dire plusieurs jours après le début de la maladie,
et donc à un moment où le malade est alité
depuis plusieurs jours et ils écrivent «En moyenne, un cas de variole entraînait rarement plus de 2
ou 5 cas dans la génération suivante, la plupart chez des parents ou amis. C’est pourquoi les épidémies tendaient à rester limitées à un quartier d’une ville ou à des aires localisées
d’une province ou district» et ils
ajoutent cette phrase essentielle, surtout quand on sait le rôle majeur joué par Henderson dans l’éradication: «La plupart des épidémies peuvent donc être
contrôlées par un relativement faible nombre de vaccinations de personnes résidant dans les maisons et autour
des maisons où un cas de variole a été constaté ».
Robert Fasquelle (professeur de microbiologie aux facultés de médecine de Paris, membre
de l'Académie nationale de médecine) écrit, dans l’Encyclopedia Universalis, ce texte très enflammé et très
excessif : « Que la variole soit la plus contagieuse de toutes les
maladies infectieuses, qu'elle soit la plus grave, notamment chez les jeunes
enfants et les vieillards (mortalité 33 %, avant que n'existe la vaccination),
que ceux qui en réchappaient soient restés aveugles, sourds, à tout le moins
grêlés, que surtout la variole, depuis que les hommes vivent en collectivités
importantes, ait été le premier facteur responsable de la limitation des
populations, nul n'en doute».
Sur le plan rationnel,
il n’est pas difficile de comprendre qu’une maladie bénigne peut être très
contagieuse et fortement épidémique et qu’une maladie grave peut avoir une
diffusion limitée. Mais les maladies
infectieuses sont rarement abordées de façon
rationnelle et modérée. Il existe en effet
un enjeu commercial et idéologique
notamment en ce qui concerne les vaccinations. Je n’évoquerai ici que quelques
éléments de cette idéologie commerciale et de la confusion qu’elle favorise et
dont elle bénéficie.
Lorsque j’étais étudiant, dans les années 60, on distinguait l’hépatite A que l’on appelait hépatite
épidémique et l’hépatite B que l’on appelait
hépatite de la seringue ou hépatite d’inoculation. Ce qui opposait ces deux
hépatites était que la première qui se diffusait par voie digestive créait
comme son nom l’indique des épidémies et que la seconde donnait plutôt des cas isolés ou rares.
Les laboratoires
pharmaceutiques, lorsqu’ils ont voulu vendre du vaccin, ont fait dire sur «Fun
Radio» et dans un camion-forum que l’hépatite B se transmettait très
facilement et notamment par la salive et ont cherché à installer, et y
ont réussi en partie, un climat d’inquiétude propice à leurs affaires
commerciales. Ils ont utilisé «Fun Radio» et leurs animateurs «Le Doc»
et «Difool» avec une qualité
des messages égale à celle des
intervenants. C’est dans un climat d’excès d’impatience et de grande vulgarité que les laboratoires transformèrent l’hépatite B en une maladie
hautement épidémique.
Or si l’hépatite B n’est pas habituellement épidémique et si
on n’en observe que des cas isolés ou quelques cas groupés dans un centre de
dialyse, il est vrai qu’il y a eu des «épidémies» et que ces épidémies ont une histoire particulière. L’OMS (6) nous
rappelle en effet que le vaccin contre
la fièvre jaune était préparé initialement avec du sérum humain et que ce fait
a entraîné une épidémie majeure d’hépatite chez les militaires américains en 1942 : "Les premiers cas de jaunisse et
d’encéphalite après vaccination avec le vaccin 17D sont enregistrés au Brésil.
En août 1940, la pratique consistant à ajouter 10 % de sérum humain normal
(nécessaire à la filtration du virus) est abandonnée. Cependant, le fait que le
sérum ait été utilisé dans la préparation des vaccins aux Etats-Unis entraîne
une épidémie majeure d’hépatites chez les militaires en 1942. Cette pratique
avait eu pour effet de transmettre pendant plusieurs années le virus de
l’hépatite B qui contaminait le vaccin antiamaril".
Le dictionnaire Garnier-Delamare (1) évoque ainsi cette maladie
infectieuse : "Hépatite B ou HB Synonyme:
hépatite d'inoculation, hépatite sérique homologue, ictère d'inoculation,
sérum-hépatite (SH), hépatite post-transfusionnelle, hépatite à incubation
longue. Affection due à un virus spécifique à ADN, le virus de l'hépatite B (ou
HBV), de la famille des Hepadnaviridœ, transmis accidentellement lors
d'injection de sérum ou de sang humain infectés ous par l'usage de seringues ou d'aiguilles contaminées et mal stérilisées ; parfois apporté par les
sécrétions salivaires ou génitales. Elle se développe parfois en petites
épidémies dans les collectivités à haut risque: personnel des laboratoires
et des services de dialyse, toxicomanes, homosexuels. Elle est, en outre, très
répandue en Afrique tropicale et dans certaines régions d'Asie".
Mais il ne dit rien des épidémies survenues dans l’armée
américaine dont Eric Giacommetti (7) écrit justement : « Ironie de
l'histoire, la plus grande épidémie d'hépatite B jamais enregistrée dans un
pays occidental sur une période si courte a été provoquée par la main de
l'homme. Et, en plus, par un vaccin ».
Si l'on veut comprendre le monde microbien et si l'on veut lutter intelligemment contre les maladies infectieuses, il importe de
tenir compte de ce que l’on sait à leur propos.
Ne pas reléguer dans l’oubli les
hépatites de l’armée américaine en 1942,
ne pas accepter tout d’un coup le
discours délirant des laboratoires affirmant la transmission salivaire facile
de l’hépatite B. Ne pas accepter que les débats de santé aient lieu
dans un camion-forum et soient arbitrés par «Doc» et «Difool».
Autre exemple plus récent de désinformation en matière de
contagiosité, celui qui a entouré la prise en charge par l’OMS de la grippe
H1N1. Cette infection par un nouveau type de virus grippal n’a pas été qualifiée d'épidémique
mais beaucoup mieux de "pandémique", afin de pouvoir instiller une crainte de voir
survenir une infection dont la gravité
et la mortalité annoncées étaient mises en parallèle avec celles de la grippe
aviaire H5N1. Pour cela, la définition du terme de pandémie a dû être changée en
cours de route par l’OMS. Jusqu'en mai
2009, la définition de l'OMS comportait «un nombre énorme de morts et de
malades». Brusquement, le Dr Fukuda, directrice de l’OMS, modifie ce caractère
de gravité en n’hésitant pas à déclarer : « Qu'il y ait beaucoup de
morts n'a jamais fait partie de la définition de la pandémie... » . Ceci a permis ainsi de justifier, après avis
des "experts" dont les liens d’intérêt n’avaient pas à être révélés selon l’OMS, une vaccination universelle avec le passage en phase d’alerte maximale
dans chaque pays en juin 2009. Les laboratoires pharmaceutiques pouvaient
donner le feu vert aux chaines de production des millions de doses vaccinales
qui étaient en stand-by.
Un auteur a dit : «Les médecins voient les maladies
infectieuses telles qu’elles sont,
les laboratoires les décrivent telles
qu’ils pensent qu’elles doivent être pour générer le maximum de
bénéfices». C’est en partie la
différence de ces deux approches et le poids trop fort de l’industrie pharmaceutique
qui empêche que certaines évidences soient dites. La petite vérole volante, la fausse variole, et
la variole bâtarde sont tout autant que la varicelle des maladies épidémiques.
Jean-Pierre LELLOUCHE
(1)
Dictionnaire illustré des termes de médecine.
Garnier-Delamare, 30ème édition, 2009
(3) HendersonRH, Yepke M. Smallpox transmission in Southern
Dahomey. A study of a village
outbreak. Am. J. Epidemiol. 1969;90(5) :423-428
(4) Giesecke, J. Modern infectious
disease epidemiology. Edward Arnold 1994
(5) Plotkin
S.A., Orenstein W.A., Offit P.A. Vaccines. Elsevier Health Sciences, 2008
(6) OMS. Vaccins et produits biologiques. Maladies transmissibles,
surveillance et action. Fièvre jaune. 1999
(7) Giacommetti E. « La Santé publique en otage : les
scandales du vaccin contre l'hépatite B », Albin Michel, Paris, 2001.
J’ai été très intéressé par cet article. J’ai vérifié dans le Larousse "super-major" CM1-CM2-6ème 1997. Effectivement, il est dit de la varicelle que c’est une maladie contagieuse et de la variole qu’elle est contagieuse et épidémique.
RépondreSupprimerComme si la maladie grave, parce qu’elle peut tuer et parce qu’elle est redoutée avait le seul droit au qualificatif d’épidémique.
Jean FIORENTINO
Lellouche a raison de dire que le vocabulaire médical est souvent imprécis.
RépondreSupprimerRien ne justifie en effet que la varicelle, maladie très contagieuse donnant fréquemment des épidémies n’aie pas droit au qualificatif de maladie épidémique, alors que la variole qui est beaucoup moins contagieuse... mais je ne veux pas réécrire ce qu’il a déjà écrit.
Je crois que dans tous les domaines l’émotionnel prend beaucoup de place. C’est normal ou du moins facilement compréhensible mais cela rend les échanges rationnels plus difficiles.
Ce dont profitent les gens et les forces qui ont intérêt à ce que les débats soient fortement parasités par de l’émotionnel (je ne vise personne, ni les laboratoires pharmaceutiques, ni les responsables politiques incompétents et
somnolents.
Xavier BETAIL
Je n’avais jamais réfléchi à ce que nous dit Lellouche.
RépondreSupprimerEn parcourant le "Guide des vaccinations" 2012, j’ai l’impression qu’il dit vrai. La rougeole est présentée comme "l’une des maladies les plus contagieuses", ce qui est vrai mais le terme contagieux n’est employé ni pour la rubéole ni pour la varicelle ni pour les oreillons.
Il serait intéressant de savoir si, en Italie et dans les pays anglo-saxons, on retrouve cette même imprécision dans la qualification des maladies infectieuses.
Du point de vue émotionnel,toute maladie grave est trop fréquente puisque l’on souhaiterait très fort qu’il n’y en ait plus du tout. Mais la variole, maladie grave est beaucoup moins contagieuse que la varicelle maladie bénigne. Il est normal de redouter davantage une épidémie de variole qu’une épidémie de varicelle. Mais il ne faut pas tout confondre.
Ce qui est très grave est trop fréquent bien sûr. Mais la fréquence doit être dissociée de la gravité, sinon on ne peut plus parler d’autre chose que de nos émotions et de nos désirs.
Sébastien Ortot
Je crois que cela est une très mauvaise maladie!
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