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30 avril 2014

VACCIN HEPATITE B, POLEMIQUE BEGAUD/GOUDEAU

Une étrange polémique autour de la campagne de vaccination contre l'hépatite B vient de renaitre. L'interview accordé le 9 avril 2014 à Libération [1] par Bernard Bégaud, pharmacologue réputé, va déclencher une violente réaction à son encontre de la part du professeur Alain Goudeau. Elle va s'exprimer sur le blog de Jean-Yves Nau, qui fut longtemps journaliste médical au Monde. Les titres en sont très évocateurs :  « Sclérose en plaques et vaccin contre l’hépatite B: 
le Pr Bernard Bégaud accuse (Libération) mais n’en dit pas assez » [2] d'une part.  « Vaccin hépatite B et sclérose en plaques: la réplique (mordante) du Pr Goudeau au Pr Bégaud » [3] d'autre part 



Mais pourquoi une telle attaque émanant d'un tel confrère à l'encontre de Bernard Bégaud qui serait pressenti pour de hautes fonctions parisiennes selon JY. Nau ?

Bernard Bégaud est professeur de pharmacologie à Bordeaux. Il dirige l’unité de recherche "Pharmaco-épidémiologie et évaluation de l’impact des produits de santé sur les populations" à l’Inserm.
- Alain Goudeau est chef du service de bactériologie-virologie du CHU de Tours et Professeur à l'Université François-Rabelais.

Pour moi ce fut cette déclaration de Bernard Bégaud qui a mis le feu aux poudres: «Ce qui a été le catalyseur et le déclencheur de cette méfiance, c’est le virus de l’hépatite B (VHB) et la polémique autour des cas de sclérose en plaques (SEP) éventuellement induits par le vaccin. On a menti et on a continué à mentir, volontairement ou non, pour la bonne cause. Or, chaque fois que l’on ment, même et surtout avec une bonne intention, on provoque une catastrophe. Et la suspicion s’installe. »

Pr Bernard BEGAUD (Pharmacologue)
Le “On” c’est qui ? La “bonne cause” c’est quoi ? Ce “On” ce sont sans nul doute les différentes composantes de l’autorité en matière de vaccination. La "bonne cause”, c’est la fameuse couverture vaccinale, notre nouvelle "ligne Maginot", l'obsession permanente de nos experts en santé publique qui confondent la lutte contre les virus avec la couverture vaccinale (la fameuse C.V.)

L’affirmation de Bernard Bégaud est très claire, elle signifie: Si on dit la vérité, à savoir il y a des cas de SEP liés à la vaccination (et il fut très bien placé pour le savoir...), on va casser la campagne de vaccination et perdre les bénéfices attendus de celle-ci.

C'est toujours le même raisonnement que dénonce en fait Bernard Bégaud. Le vaccin est inoffensif parce qu’il est utile. Ou plutôt, puisque le vaccin est utile, il devra être déclaré inoffensif.

Bernard Bégaud a manifesté à plusieurs reprises dans le passé son désaccord avec un tel raisonnement. Certains diront qu'il ne l'a pas exprimé avec une force suffisante. Malgré tout il l'a fait, c'était déjà beaucoup vu les fonctions qu'il occupait et mérite certainement le respect.

Le 30 juin 2009, France Culture a diffusé une émission sur la vaccination hépatite B au cours de laquelle Bernard Bégaud a annoncé qu'il préparait un livre sur le sujet avec un journaliste du Monde afin de rétablir l'histoire de cette affaire et d'apaiser sa conscience. Il affirme avoir été soumis à des pressions sans préciser leur nature et surtout leur objet... Il parle des obstructions rencontrées pour publier des études dès lors qu'elles n'étaient pas favorables au vaccin. La revue répond qu'elle n'a pas reçu le texte... On lui renvoie dix fois... Elle finit par répondre... que maintenant c'est trop tard pour publier... Voir mon article La vaccination hépatite B sur France Culture le 30 juin.

Il me parait évident que ce fut cette affirmation dépourvue d'ambiguïté - le vaccin hépatite B a été responsable de scléroses en plaques, on le savait, on a menti et on continue de mentir - qui a mis le feu aux poudres à son encontre comme on peut le constater sur le blog de JY Nau [2]. Comme le chante Guy Béart : "Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté."

D'ailleurs les critiques formulées par A. Goudeau sont très démonstratives d'une attaque très artificielle et pas toujours très régulière comme on va le voir.

Relecture

Alain Goudeau: « J’ai lu le texte de Bernard Bégaud qui est un assez joli exercice de réécriture de l’histoire. Les exemples d’informations erronées ou de contre vérités grossières sont les suivantes..."

Pr Alain GOUDEAU (Virologiste)
- citant Bernard Bégaud : « C’est un gâchis énorme. Jusque dans les années 80, les Français étaient très attachés aux vaccins. Il me paraît clair que l’inversion est liée à la campagne de vaccination contre l’hépatite B lancée en 1994. »

- Il lui répond : «Malheureusement l’activité anti-vaccinale pré-existe au vaccin contre l’hépatite B. Cette hostilité  se manifestait surtout contre le BCG et contre le vaccin anti-variolique. La France homéopathique nourrit depuis bien longtemps une violente diatribe contre les vaccins avec, en fond récurent, l’idée que tout ce qui change l’immunité "naturelle" affaiblit l’organisme. »


Ce qu'Alain Goudeau a oublié de rapporter dans les propos de Bernard Bégaud, c'est ceci: « Certes, il existait déjà un courant méfiant, autour de concepts bio et nature, mais pas plus qu’en Allemagne. » qui correspond au commentaire de A.Goudeau et anéantit sa critique de réécriture de l'histoire sur ce premier point.

Grotesque

A. Goudeau va poursuivre son procédé d'occultation en rapportant ainsi les propos de B. Bégaud, qualifiés de grotesques : « Il y a eu une campagne massive à destination des nourrissons … ». Et il commente ainsi: « Il n’y pas eu de campagne chez les nourrissons en 1994 mais une campagne visant les pré-adolescents. Tout le monde s’accordait pour une extension aux nourrissons dès que les vaccins multivalents seraient prêts. »

Voici pourtant ce qu'avait écrit B. Bégaud à ce sujet: « Il y a eu une campagne massive à destination des nourrissons et des enfants de 10-11 ans. On a lancé cette campagne sans mettre en place de système de surveillance et d’information, sans se donner les moyens de savoir quels étaient les gens que l’on vaccinait, sans informer les médecins ni le public du pourquoi de la campagne, sans aucun message clair. Il aurait pourtant été simple de vérifier si la campagne de vaccination se déroulait comme prévu à destination des cibles choisies ; ce n’est que trois ans plus tard que l’on a noté que sur les 90 millions de doses consommées, les deux tiers avaient été utilisées pour des adultes, et non pour des nourrissons et des enfants. »

Donc c'est très clair, il n'a jamais dit qu'on avait vacciné les nourrissons en masse mais qu'on avait eu l'intention de le faire, cet objectif n'ayant pu être atteint. 

De plus, A. Goudeau se trompe certainement quand il affirme qu'on attendait les hexavalents pour vacciner les nourrissons. Voici comment le site "mesvaccins" [4], pas vraiment antivaccinaliste, présente la chronologie des événements: 

« La chronologie des événements peut être résumée de la manière suivante. En 1993, l'Organisation mondiale de la santé recommande la vaccination universelle contre l'hépatite B. En décembre de la même année, le Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) et le Comité Technique des Vaccinations (CTV) recommandent cette vaccination en France pour les nourrissons, avec un rattrapage pour les adolescents âgés de 11 à 17 ans et pour les personnes à risques.
Une vaccination en milieu scolaire est annoncée fin juin 1994 pour la rentrée de septembre 1994, mais sans définition préalable d'une stratégie précise et argumentée. Une enquête réalisée en 1992-1994 montrait que 40 % des médecins n'étaient pas favorables à la vaccination des nourrissons, tandis que 97 % d'entre eux étaient favorables à la vaccination des adolescents. Mais les adolescents représentaient en 1994 une nouvelle population à vacciner dont les caractéristiques, mal connues, n'ont pas été suffisamment prises en compte. L'information sur la vaccination a été délivrée dans la précipitation aux médecins, au public et aux médias, avec une certaine dramatisation. Le nourrisson, normalement prioritaire, passait au second plan. Mal contrôlée, l'information a été prise en main par les laboratoires producteurs de vaccin qui, en rupture de stock au début de l'opération, avaient rapidement augmenté leur production. »

De plus, je pense avoir le souvenir qu'au cours de sa conférence de presse tenue le 1er octobre 1998, le secrétaire d’État à la santé Bernard Kouchner. tout en stoppant la vaccination dans les collèges, maintenait sa recommandation pour les nourrissons.

A. Goudeau cite et commente plus loin des propos tronqués de B. Bégaud: « Il était attendu, normal, inévitable que l’on voie apparaître un certain nombre de cas de sclérose en plaques. »

Ce à quoi il répond: « La survenue coïncidente des cas de sclérose en plaques (SEP)  ne pouvait pas être anticipée tout simplement parce que personne n’avait une idée de l’incidence de la SEP dans la population générale française. L’affirmation péremptoire de Bernard Bégaud  est grotesque et ne correspond pas à l’état de l’art de l’époque. Cette ignorance a d’ailleurs constituée une des difficultés majeures pour récuser les liens de causalité. »

Voici les propos non tronqués de B. Bégaud sur ce point: « En ayant vacciné autant d’adultes, il était attendu, normal, inévitable que l’on voie apparaître un certain nombre de cas de sclérose en plaques (SEP). Et c’est ce qui s’est passé : on a vu des cas remonter, sans pouvoir savoir si c’étaient des coïncidences ou bien des SEP induites par le vaccin. »

Il y eut à l'époque une étude menée sur les données de la pharmacovigilance française. Elle fut pilotée par Annie Fourrier et Bernard Bégaud. Publiée en mai 2001 dans une revue britannique, elle comparait les cas notifiés constatés chez des adultes (20-44 ans) avec une estimation du nombre de cas attendus en l'absence de vaccination contre l'hépatite B. L'évaluation des cas attendus supposait que l'on puisse disposer d'une estimation acceptable de l'incidence annuelle de la sclérose en plaques. Cette estimation avait, à l'époque, été jugée suffisamment sérieuse pour mobiliser à 2 reprises (20 septembre 1998 et février 2000) plus de 40 experts internationaux venus à Paris pour discuter du lien possible entre la SEP et cette vaccination. Les comptes-rendus de ces réunions ne mentionnent nullement que l'estimation faite du nombre de cas attendus était dépourvue de toute valeur. Au contraire, ces experts avaient manifesté en 1998 le plus grand intérêt pour cette étude en cours et avaient demandé à être tenus informés de l'évolution des cas notifiés. Voir mes articles sur le sujet.


De plus, le Livre Blanc de la SEP mentionne, page 9 [5]:

« La prévalence était estimée autour de 40/100.000, celle-ci semblant augmenter du Sud-Ouest au Nord-Est. Une des premières études nationales, menée à la suite d’une émission télévisée en mai 1986, les personnes atteintes de SEP étant invitées à compléter un questionnaire, estimait la prévalence française entre 30 et 40 pour 100.000 habitants. La seconde, publiée vers la même période (Fender et al., 1997), était fondée sur le registre de 128 bases de données des Caisses Primaires d’Assurance Maladie (CPAM), disponibles en 1994. Un échantillon, extrait des malades exonérés du ticket modérateur...
A cette période, le taux d’incidence n’a été, à notre connaissance, estimé que dans une seule étude (Moreau et al., 2000) concernant les 94.000 habitants de Dijon âgés de moins de 60 ans. Issue des fichiers des services du CHU et des cabinets des neurologues libéraux, cette incidence était évaluée à 4,3/100.000 habitants par an, ce qui apparaissait proche des taux rapportés dans d’autres villes d’Europe du Nord de même taille.
En conclusion, à la fin des années 1990, on estimait que la prévalence de la SEP en France se situait autour de 40 pour 100.000 habitants et l’incidence autour de 4 pour 100.000. »

Quoique l'on puisse penser de ces études, on ne peut qualifier leurs estimations de grotesque. De plus, ce sont ces valeurs qui ont été prises pour estimer les cas attendus dans  l'étude de A. Fourrier et B. Bégaud. 

Neurologues omni-compétents

A. Goudeau poursuit ainsi ses attaques contre les affirmations de B. Bégaud, affirmations présentées, rappelons-le, dans une interview publiée dans un journal et non dans une revue scientifique : « En clair, la polémique qui allait suivre n’aurait jamais existé si la campagne était restée dans les clous. Dans les pays où cela a été le cas, comme au Royaume-Uni et en Italie, il n’y a pas eu de cas de SEP, car il n’y a pas eu de vaccination massive des adultes. »

Il répond ainsi: « Prendre  la Grande-Bretagne et l’Italie comme des exemples de raisonnement sain est la preuve d’une double méconnaissance. L’Italie a, bien sûr, vacciné des adultes mais n’a pas eu de polémique. S’agit-il d’une incidence plus faible de la SEP dans l’Europe du Sud ? Les autorités sanitaires italiennes sont-elles moins sensibles au poids de certains médias ? Est-ce l’absence, dans la capitale italienne, de neurologues hospitalo-universitaires de renom et omni-compétents ? L’enquête reste à faire. Quant au Royaume-Uni, il n’a pas vacciné du tout et ce en dépit de sa forte population migrante. Cela évite, j’en conviens, bien des accidents post-vaccinaux. »


Sauf que l'étude Hernan de 2004 portait sur des données britanniques, des adultes dont la moyenne d'âge était de 36 ans, le plus jeune en ayant 18, que 2,5% des témoins étaient vaccinés (ce qui est faible mais non nul), que cette étude était significative, que sa publication en septembre 2004 fit un bruit énorme, mobilisant tous les Comités nationaux et de l'OMS. Tous publièrent dans les plus brefs délais des avis critiques pour tuer le signal défavorable au vaccin. Cette polémique provoqua même une audition publique tenue le 9 novembre 2004 ! A. Goudeau a l'air d'ignorer tout cela...

Vingt-cinquième heure


Alors, pourquoi toutes ces attaques contre Bernard Bégaud ? Attaques que Jean-Yves Nau qualifie de sévères et de réplique mordante. A bien y regarder, elles seraient plutôt un pétard mouillé où, mieux encore, un boomerang qui pourrait exploser dans les mains de son auteur...

C'est ce qui devrait fortement nous interpeller : pourquoi une telle réplique lancée avec des arguments aussi dangereux pour la crédibilité de son auteur ?

La raison de cette réplique aussi précipitée qu'irréfléchie, je l'ai donnée au début de cet article. Elle a comme corolaire immédiat que si le public a été trompé sur la vaccination hépatite B, il pourrait l'être à nouveau avec d'autres vaccins, tout particulierement le Gardasil et son petit frère, le Cervarix?


Bernard GUENNEBAUD 

(http://questionvaccins.canalblog.com/)



[1] Eric FAVEREAU "En raison de dévoiements et de crises mal gérées, une défiance s’est installée". Libération 9 avril 2014
[2] Le blog de Jean-Yves NAU "Sclérose en plaques et vaccin contre l’hépatite B : le Pr Bernard Bégaud accuse (Libération) mais n’en dit pas assez" 10 avril 2014 
[3]  Le blog de Jean-Yves NAU "Vaccin hépatite B et sclérose en plaques : la réplique (mordante) du Pr Goudeau au Pr Bégaud" 12 avril 2014
[4]  Jean-Louis KOECK "Vaccination contre l’hépatite B : retour sur la polémique" Mes vaccins.net. 30 janvier 2014 
[5] Livre blanc de la sclérose en plaques. avril 2006

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