Inventer une maladie, la faire connaître du grand public, créer à son propos un climat de drame, puis un besoin de dépistage, voire une obligation de traitement, c’est une fiction. Et que peut le médecin critique, quels sont ses moyens ? Et ses limites ?
Supposons qu’un laboratoire veuille promouvoir un vaccin anti-verrues. Il essaiera de convaincre les médecins et la population que les verrues sont très fréquentes et qu’elles sont tenaces et récidivantes. Mais ces arguments ne suffiraient probablement pas à faire émerger une demande massive. Il pourrait alors tenter de démontrer que les verrues sont beaucoup plus graves et ont des conséquences beaucoup plus sérieuses qu’on ne le croit communément. Il pourrait alors dans ce but raconter le cas suivant : Denis avait tout pour réussir dans la vie, après une scolarité exemplaire qui l’a conduit naturellement à Normale Sup, ce qui ne l’avait pas empêché d’être dans le même temps un excellent tennisman et un virtuose du violon. Denis a rencontré Caroline une fille belle, hyperdiplômée et hypersportive. Malheureusement, lorsque quelques jours après leurs fiançailles, Caroline a découvert que Denis avait une verrue plantaire, elle l’a quitté et il s’est suicidé. Françoise, la sœur aînée de Denis, s’est jetée du quatrième étage et elle est paraplégique. Quand Caroline a réalisé l’étendue des dégâts, elle s’est elle aussi défenestré et elle est tétraplégique.
Pour plusieurs raisons. Dans ce cas qui est, rappelons-le, un cas fictif, le laboratoire a d’emblée placé le problème de la vaccination anti-verrues sur le terrain de l’émotionnel et de la confusion. L’émotionnel l’emporte aisément dans un débat sans règles et sans structures (et il n’y a pas de règles et de structures dans la mesure où les pouvoirs publics dont ce devrait être le rôle d’organiser la réflexion sont absents du débat). JPL est un médecin isolé. Il peut consacrer quelques heures à ce qu’il estime être son devoir de citoyen, il peut lire quelques articles, en photocopier quelques-uns, il peut aussi obtenir que quelques collègues l’aident à progresser dans sa connaissance et dans ses réflexions. Mais, alors que les laboratoires ont des moyens considérables et des intérêts encore plus considérables, JPL n’a pas un intérêt vital à ce que le vaccin ne soit pas largement diffusé et il a très peu de moyens. De nombreuses revues médicales, soit par choix mercantile, soit beaucoup plus souvent par choix idéologique, sont persuadées que le domaine des vaccinations est celui de la lutte du bien (les vaccinations) contre le mal incluant pêle-mêle ceux qui s’opposent à tout, ceux qui s’interrogent sur quoi que ce soit. Mais la raison principale de l’impossibilité du débat est liée à un autre élément : le docteur JPL a beau vouloir s’installer dans la posture de l’individu rationnel, honnête, capable de nuance et de mesure, il est au même titre que tout le monde passionné par la question des vaccinations. Lorsque nous l’avons interrogé sur ce point, JPL a répondu:
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire