Tous les parents ou futurs parents se posent de multiples questions lors de la naissance de leur enfant afin de lui apporter confort et sécurité. Ceci est particulièrement le cas pour tout ce qui concerne le lit de bébé puisqu'un nourrisson passe effectivement presque une vingtaine d'heures à dormir chaque jour. Quel type de lit, quel matelas, quelle taille, dans quelle pièce, quelle température, comment habiller le bébé. Un marketing intense règne autour du matériel de puériculture, comment faire la
part de l'utile et du superflu ?
LA SÉCURITÉ AVANT TOUT
La sécurité d'un bébé, c'est d’abord prévenir "l'accident de literie".
On entend par là tous les problèmes favorisés par une literie inadaptée à cet âge de la vie qui pourraient déboucher sur, au mieux un inconfort de l'enfant, au pire sur un malaise grave voire une mort subite inattendue du nourrisson (MSIN). Les études épidémiologiques autour de ce phénomène dramatique ont permis de mieux en comprendre les facteurs favorisants. Elle touche plus fréquemment les garçons que les filles. Il existe un pic de fréquence autour de l’âge de 3 à 4 mois, ainsi qu’une prédominance hivernale.
Une réflexion internationale s'est mise en place à partir des années 70/80 afin de cerner les facteurs favorisant la plus fréquente circonstance de décès des nourrissons entre les âges de 1 mois et 1 an dans les pays développés.
- L'hyperthermie a été la première des causes favorisantes mise en évidence. Ce sont des auteurs anglais qui ont attiré l'attention sur ce rôle éventuel d'une température centrale excessive, ayant constaté la fréquence de l’hyperthermie terminale chez des nourrissons visiblement trop couverts et en sueurs (1)(2). Cette réaction fébrile importante pouvant être déclenchée par un épisode infectieux, une vaccination et/ou un environnement surchauffé chez un enfant trop couvert. Une hyperthermie à 42° avait ainsi été découverte chez un nourrisson de 4 mois dormant dans un couffin placé directement par terre dans un appartement chauffé par le sol (3).
- L'obstruction aérienne par divers mécanismes: enfouissement, asphyxie, confinement. Il est facilement imaginable qu'un petit nourrisson, lorsqu'il est couché sur le ventre, puisse avoir des difficultés à relever la tête et à respirer aisément s'il est très enrhumé ou l'objet d'une régurgitation alimentaire ou encore s'il s'enfouit sous un tissus quelconque (drap, couverture, tour de lit, oreiller, coussin , cale-tête...). Un bébé couché sur le dos a le même risque d'agripper ces accessoires de literies dangereux et donc à proscrire formellement à cet âge.
- le plat-ventre du bébé est donc par voie de conséquence à éviter totalement lors du sommeil des 6 premiers mois de vie, tant que l'enfant ne maîtrise pas bien le relevé de la tête et du tronc en s'aidant de ses deux bras. Cette position ventrale peut être sinon être la cause de difficultés respiratoires surtout sur un matelas trop mou ou sur un oreiller qui moule le visage de l'enfant et l'empêche de tourner la tête sur le côté. Le procubitus ne permet pas non plus à l'enfant de bien lutter contre une ambiance trop chaude. La position en décubitus latéral est également déconseillée car elle aboutit souvent à faciliter le retournement sur le ventre.
- Le tabagisme passif avant et après la naissance est plus fréquemment retrouvé chez les bébés décédés de MSIN.
- Le taux de mort subite du nourrisson est moins élevé chez les enfants allaités au sein, sans que l'on connaisse la raison de ce facteur bénéfique.
- C'est également le cas du partage de la chambre du bébé avec celle de ses parents.
- Un antécédent familial de décès dans la fratrie (jumeau surtout) est un facteur de risque reconnu.
- Les enfants prématurés et/ou de faible poids de naissance auraient un risque quatre fois plus important de mort subite.
- Il a par contre été remarqué que l'usage de la tétine lors du sommeil serait statistiquement associé à un moindre risque de MSIN.
- Le rôle éventuel d'un reflux gastro-œsophagien est mal connu et discuté, mais l'on connait des malaises de certains nourrissons associés à un reflux acide nocif.
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Evolution du nombre de MSN (1980-2010).
(Les flèches rouges indiquent les campagnes de prévention) |
Des consignes très précises sont donc données depuis plusieurs années afin de minimiser les facteurs de risque connus de ces décès inattendus et parfois évitables. L'association nationale "Naître et Vivre" édite une plaquette téléchargeable où l'on peut parcourir les principaux conseils utiles en la matière.
Un nourrisson doit donc dormir sur le dos, avec un matelas ferme, bien adapté aux dimensions du lit. Il est installé à plat dans une turbulette ou une gigoteuse bien adaptée à sa taille et à la saison. Oreiller, coussins, draps, couette, couvertures, cale-tête, cale-bébés sont dangereux. Les peluches sont pour la même raison à exclure et inutiles pour l'enfant lors des premiers mois de vie. Les chaînes et autres colliers d’ambre placés autour du cou sont également dangereux du fait du risque de strangulation. La température de la chambre doit se situer idéalement entre 18° et 20°
Toutes ces recommandations ont permis, dans tous les pays où elles ont été mises en place, de diminuer notablement le risque de MSIN qui est encore cependant observé chez 250 à 300 nourrissons chaque année en France. Ceci s'explique par le fait que cette affection est un phénomène multifactoriel et complexe et que d'autres causes possibles existent (infection foudroyante, sévices corporels, maladies métaboliques familiales rares, troubles du rythme cardiaque...)
La sécurité d'un bébé, c'est aussi une sécurité affective
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Comparatif des conditions de vie intra et extra-utérines |
Les premiers mois de la vie d'un bébé constituent une période de transition et d’adaptation rapide et brutale.
Durant neuf mois, le foetus est baigné dans un milieu liquide, tiède, tranquille et serein où tous ses besoins sont pleinement satisfaits. Il est en boule, ses poings proches de la bouche et dans une obscurité presque totale. Il est bercé dans son liquide amniotique par les mouvements corporels maternels. Il entend les bruits réguliers du cœur de sa mère et les voix assourdies, un peu lointaines de ses deux parents. Puis soudain, il est expulsé plus ou moins rapidement, du cocon utérin pour se retrouver parfois brutalement dans un milieu aérien, froid, lumineux, bruyant, nu sans enveloppe extra-corporelle. La faim le réveille régulièrement et il est obligé de téter fortement pour assouvir ses besoins vitaux.
Ce changement soudain et plus ou moins stressant se doit donc d'être accompagné, entouré, enveloppé, sécurisé. Le peau à peau du bébé contre sa mère (et/ou son père) est le premier geste de contention rassurante dont tout nouveau-né devrait pouvoir bénéficier en salle de naissance. Une première tétée au sein (ou au biberon) vient conclure cette première rencontre mère-enfant extra-utérine.
La transition vers cette vie du dehors doit ensuite être idéalement la plus douce possible. Le sommeil en particulier est parfois difficile à trouver si l'on ne cherche pas à reproduire dans les premières semaines les conditions de la vie antérieure.
Le contact corporel au sein ou au biberon avec la contention par les deux bras parentaux ou une écharpe de portage favorisent fortement l'endormissement lorsque la sensation de faim est assouvie. L'odeur de la peau maternelle et la voix qui chantonne ou distille des paroles lénifiantes
complètent le bercement dans le porte-bébé ou la coque de l’auto, sont aussi souvent magiques, s’apparentant étroitement aux conditions archaïques de sommeil à l’étroit et dans le mouvement et/ou le bruit ronronnant d'un moteur. Ce ne sont pas de "mauvaises habitudes", comme on l'entend dire trop souvent , c'est un schéma corporel que le bébé adoptait depuis 9 mois et qui nécessite quelques semaines d'acclimatation avant d'en changer progressivement et de trouver de nouveaux repères.
De même que le portage et le contact corporel favorisent l'endormissement, la proximité immédiate de sa mère est le gardien d'un sommeil calme et apaisé pour l'enfant. C'est pour cela qu'il est fortement conseillé de faire dormir un nourrisson dans la chambre parentale durant ses premiers mois de vie. Le berceau et le matelas, quelque soit leur forme, doivent assurer des conditions de sécurité détaillées précédemment. Il peut très bien être solidaire du lit parental, tel un "side-car", afin d'éviter à une mère qui allaite de se relever. Ce partage de la chambre est plus efficace et moins stressant que tous les "baby-phones" du monde.
Les marchands de literie sont concurrencés par la promotion d'un nid douillet, d'un cocon, d'un matelas ergonomique épousant les formes du bébé et dénommé "cooconababy". Il aurait des qualités de réassurance pour le bébé qui retrouve à peu près sa position fœtale. Il éviterait de plus les régurgitations et la tête plate. Ce gadget magique mais assez cher permet surtout un enveloppement corporel du bébé que les bras de sa mère, une écharpe de portage ou un coussin d'allaitement bien positionné dans le lit assurent aussi bien et à un moindre coût. Il risque par la suite d'entraver, d'empêcher l'enfant de bouger et de découvrir ses possibilités motrices.
Qu'en est-il du "co-sleeping" ou "co-dodo" qui fait débat ? Cette proximité physique de la mère et de son enfant dans le même lit favorise effectivement un endormissement et un sommeil de qualité chez le nourrisson. Il présente cependant quelques risques d'étouffement accidentel et d'hyperthermie (4).
En 2005, l’OMS a édité une brochure expliquant les risques et les conditions sécurisées de mise en place du co-sleeping. Ce document indique notamment que le couchage partagé peut être toléré dans certaines situations lorsque la mère allaite. La mère peut dormir à côté de son enfant en étant tournée vers lui à condition de n'être pas épuisée, ni consommer alcool, drogues ou médicaments sédatifs. Le tabagisme maternel semble également être un facteur notable de risque accru de MSIN en cas de co-sleeping qui doit donc être alors déconseillé. La température de la pièce doit être entre 16° et 18°. Le nourrisson est vêtu comme ses parents. Les draps et couvertures du lit doivent être repoussées au niveau des cuisses de la mère pour éviter tout accident. L'enfant ne doit jamais être couché entre ses deux parents et une protection doit être prévue pour éviter toute chute du lit. Le co-sleeping dans un fauteuil ou sur un canapé doit être fortement déconseillé du fait du risque de chute et d'écrasement.
La majorité (90 %) des décès survenus pendant un partage du lit dans une grande étude anglaise se déroulaient dans un environnement combinant un ou plusieurs facteurs de risque : parents fumeurs, prise d’alcool ou de produits psychotropes, canapé. Fleming, l’auteur de cette étude, va même plus loin en suggérant que le très faible nombre de MSIN dans certaines cultures où le partage du lit est très répandu, plaide en défaveur de l’augmentation du risque en rapport avec ce seul co-sleeping, lorsque aucun autre facteur associé n’est présent.
Après l'âge de 2 à 3 mois, l'enfant s'ouvre progressivement au monde extérieur qu'il découvre plus facilement car sa vision s'est affinée et la symbiose mère-enfant commence à s'estomper. Il peut être capable de développer plus facilement une distanciation physique et psychique lors de l'endormissement. Le développement du stade oral lui permet de s'apaiser et se sécuriser lui-même grâce à la succion de doigts et/ou d'une tétine. A condition que ses parents soient prêts également à soutenir leur enfant dans cet apprentissage du sommeil, il peut alors commencer à s'endormir en acceptant une séparation corporelle et essayer de "faire ses nuits".
Dominique LE HOUEZEC
(1) STANTON A.N SCOTT D.J. Is overheating a factor in some inexpected infant deaths ? Lancet 1980;1: 1054-1057
(2) DENBOROUGH M.A. GALLOWAY G.J. Malgnat hyperpyrexia and sudden infant death. Lancet 1982;2:1068-1069
(3) GRAY C. Underfloor heating: an unrecognized hazard in infancy. Br.Med.J. 1988;296:1640-1641
(4) COLVIN J.D., COLLIE-AKERS V., ScCHUNN C. & MOON, R.Y. Sleep Environment Risks for Younger and Older Infants. Pediatrics, 2014;134(2), e406-e412.
(5) FLEMING P, BLAIR P. McKENNA J. New knowledge, new insights, and new recommendations. Arch Dis Child 2006; 91;799-801.
Ma fille a eu 3 mois. Elle dort dans son couffin dans notre chambre depuis le début, parfois même dans notre lit (protégée par le coussin d'allaitement) et elle fait ses nuits depuis peu. Je ne sais pas quand et comment la passer dans sa chambre, le lit bébé est bien de trop grand pour elle. Elle est née à 36 semaines pour un poids de 2 kilos. A présent, elle mesure 53 cm et pèse 3.800 g. Elle est perdue dans son lit, de plus la chambre parentale se situe en rez-de-chaussée, tandis que la chambre des enfants est à l'étage. Combien de temps encore puis-je la laisser dans notre chambre sans qu'elle prenne l'habitude? Elle s'endort principalement dans nos bras.
RépondreSupprimerVous posez une question très intéressante et dont la réponse vous appartient surtout. Vous faites part d'observations (enfant perdue dans son lit) et de réflexions pertinentes (éloignement d'un étage entre les chambres des enfants et celle des parents). Je ne vous sent pas prête à réaliser actuellement cet éloignement et vous avez raison. Votre enfant est née avec une avance d'un mois, elle aurait donc du passer un mois de plus au chaud dans le "cocon" utérin. Pourquoi ne pas en tenir compte ? D'autre part elle s'endort encore dans vos bras et dort volontiers appuyée sur un coussin d'allaitement. Ceci atteste d'un besoin de sécurité affective et physique par ce "holding", cette contenance enveloppante qui lui rappelle les parois utérines. Elle n'est donc visiblement pas encore prête affectivement à dormir dans un lieu où votre présence pourrait. lui faire défaut . Un bébé reste 9 mois dans le ventre de sa mère. Est-ce une mauvaise habitude ? La place d'un nourrisson dans la chambre de ses parents n'a donc rien de culpabilisant dans les 6 premiers mois de vie où mère et enfant sont encore dans une relation psychique fusionnelle normale et qui n'a rien d'alarmant et ne doit pas vous faire culpabiliser. Bonnes nuits à vous trois...
SupprimerMerci de votre réponse. Mon conjoint est aussi d'accord, donc nous allons continuer jusqu'à ce qu'elle se sente prête et nous aussi !
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